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des échantillons d’algues marines, déclare le flysch tertiaire, et M. Studer, le plus autorisé de tous quand il s’agit des Alpes, arrive au même résultat par l’étude des superpositions. Près de Varese, ce flysch est recouvert par l’étage inférieur de la craie. C’est aux géologues italiens, en particulier au jeune et savant abbé Stoppani, qu’est réservé l’honneur de faire disparaître cette contradiction apparente.

L’orographie a sa langue comme toute autre science. Elle appelle cluse, avec les paysans jurassiens, une gorge qui coupe un chaînon de montagnes perpendiculairement à sa direction et fait communiquer entre elles deux vallées parallèles. La cluse est l’effet d’une rupture, et sur ses escarpemens on voit la tranche des couches brisées : les supérieures appartiennent toujours à des terrains plus récens que les inférieures. Ces escarpemens, impropres à la culture, sont en général couverts de bois et de taillis. Quand un torrent traverse la cluse, l’eau creuse l’étroit canal où elle se précipite le plus souvent en cascades d’une vallée à l’autre. Sous la paroi, formée de couches saillantes et brisées, on aperçoit alors une seconde paroi lisse, verticale, et seulement creusée çà et là de larges sillons ou de grandes excavations arrondies. Cette paroi inférieure est l’ouvrage de l’eau. M. Desor a proposé le mot roman de rofla pour désigner les cluses dont le fond a été profondément creusé par les eaux : c’est le nom que portent dans les Grisons plusieurs gorges à travers lesquelles se précipitent les torrens impétueux dont la réunion forme le Rhin en amont de la ville de Coire.

L’auteur de cette étude mit sous les yeux de la section deux belles cartes du littoral méditerranéen, dues à nos ingénieurs hydrographes ; et qui embrassent l’espace compris entre l’embouchure de l’Hérault et celle du Rhône. Une série de marais salans borde la côte. Ces lacs d’eau saumâtre sont séparés de la mer par un mince cordon littoral formé de dunes dont la hauteur ne dépasse pas 8 ou 10 mètres. Toute la côte est calcaire, mais le sable des dunes est siliceux. D’où peut provenir cette silice ? Où sont les rochers qui l’ont produite ? C’est dans les Alpes qu’il faut chercher leur origine. Lorsque les anciens glaciers sont descendus dans les vallées jusqu’aux bords du Rhône, entre Lyon et Vienne ; mais moins bas dans les vallées méridionales, ils ont laissé sur place tous les débris, blocs, cailloux, sable, qu’ils transportaient sur leur dos, ou charriaient dans leurs flancs. Quand ces glaciers fondirent et reculèrent, tous ces débris accumulés furent entraînés vers la mer par les eaux résultant de cette fonte prodigieuse. Les roches friables, les calcaires tendres, les grès, furent réduits en poudre par le frottement avant d’arriver au débouché des vallées ; mais les roches dures en particulier