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on ne peut guère nier que depuis cinq ans les Italiens n’aient fait sagement leurs affaires. On trouve quelquefois qu’ils y mettent de la lenteur; mais il ne faut pas oublier que c’est un proverbe italien celui qui nous apprend qu’on ne doit pas cheminer vite, si l’on veut faire bonne route.

Une seule fois les Italiens ont été trop vite en besogne au gré de leurs ennemis : c’est à l’époque des annexions. Est-il besoin de dire que, si les faits ont été rapides, la préparation avait été longue? Sans remonter aux siècles passés, nous pouvons dire que l’Italie avait presque existé au commencement de ce siècle. L’épopée napoléonienne lui avait donné un semblant de vie. L’Italie avait eu une armée, un drapeau, une sorte d’indépendance nationale. Lorsqu’après 1815 les Italiens se trouvèrent réveillés de leur rêve de grandeur, ils ne perdirent pas l’idée de la patrie commune. L’histoire des conspirations italiennes de 1815 à 1859 serait l’histoire de cette recherche de l’unité. Ce n’étaient pas seulement les intelligences d’élite qui songeaient à la patrie idéale, mais l’idée faisait son chemin dans les masses; des martyrs, souvent obscurs et vulgaires, tombaient en poussant le cri sacré du poète : « Italie ! Italie ! » Lorsqu’arriva l’ébranlement de 1859, l’unité était faite dans le sentiment populaire sous l’apparente variété des régions, et il n’y eut qu’à souffler sur les anciens gouvernemens pour les faire disparaître; mais, l’unité politique ainsi réalisée, il s’agissait de la consolider et de lui faire porter ses fruits. C’est aux auteurs de l’Annuaire statistique que nous allons demander les résultats obtenus.


I.

Jetons d’abord avec eux un coup d’œil sur les institutions administratives proprement dites du nouveau royaume. Voyons par quels liens administratifs les différentes parties sont rattachées au centre. C’est là une question capitale, et quelques personnes seront peut-être portées à s’étonner qu’elle n’ait point encore été résolue par une législation qui ait un caractère durable. L’administration provinciale et communale est en ce moment régie par la loi du 23 octobre 1859, votée sous le ministère de M. Rattazzi; mais l’opinion a toujours semblé n’attribuer à cette loi qu’un caractère provisoire. Promulguée à l’origine pour les anciennes provinces et pour la Lombardie, elle ne s’étendit aux autres parties du royaume qu’avec les restrictions que les circonstances nécessitèrent. Le public, la presse, les ministres, le parlement, n’ont cessé de s’occuper d’une organisation plus générale et plus durable. La question reste ainsi en suspens; nous pouvons l’examiner théoriquement, étudier