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étendue, le dix-huitième de la France, et le huitième comme population. C’est à peu près l’équivalent de ce que serait une de nos régions. Une seule banque d’émission y suffit, sans qu’on puisse en rien conclure. Il est seulement à remarquer que, dans ce petit pays, la banque centrale a 27 succursales; si nous en avions autant, nous en aurions plus de 500. Voilà encore un exemple assez mal choisi. L’Allemagne vit sous le régime des banques multiples, sans que la circulation en souffre sensiblement. Il faut aller en Autriche et en Russie pour retrouver le principe de la banque unique appliqué à de grands empires, et nous n’avons pas l’habitude d’aller chercher de ce côté-là les modèles à suivre en fait d’administration financière.

Quand même la pluralité des banques n’aurait pas pour effet de faire baisser le taux de l’intérêt, elle rendrait déjà d’assez grands services en généralisant l’usage du crédit. Aurait-elle aussi une influence favorable sur le taux de l’intérêt? Il est permis de l’espérer. M. Victor Bonnet a très bien montré les illusions qui ont cours sur les effets du papier-monnaie. On sait maintenant que le billet de banque n’a pas le pouvoir magique de créer les capitaux; c’est purement et simplement la substitution d’une créance à une autre, une promesse de payer rédigée sous une nouvelle forme qui la rend d’une circulation plus facile. Cette transformation doit avoir des limites qu’il ne faut pas dépasser. D’un autre côté, M. Clément Juglar a démontré, dans un livre couronné par l’Académie des Sciences morales et politiques, que les crises commerciales obéissent à des lois qui les rendent en quelque sorte périodiques. La science économique enseigne depuis longtemps que toute action péremptoire sur le taux de l’intérêt est impuissante et nuisible, et que si les capitaux deviennent rares, il faut se résigner à les payer cher. Ce sont là des vérités incontestables; mais, tout en écartant les promesses et les espérances chimériques, n’y a-t-il absolument rien à faire pour travailler, dans la mesure du possible, à la baisse de l’intérêt et à l’adoucissement des crises? Si la Banque de France, au lieu d’embrasser les quatre-vingt-neuf départemens, concentrait les ressources dont elle dispose sur Paris et la région environnante, la verrions-nous aussi souvent porter le taux de ses escomptes au-delà de 4 ou 5 pour 100? Les opérations des autres banques contribueraient-elles, en augmentant les moyens de crédit, à maintenir l’intérêt le plus bas possible? Telles sont les questions qu’il n’est pas interdit d’examiner, et dont la solution peut parfaitement se concilier avec les principes généraux rappelés par M. Victor Bonnet.

Sans prétendre que l’émission puisse jamais être indéfinie, on peut affirmer que, dans l’état actuel de la France, la somme des