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reli- Quiconque sort du cadre catholique n’entre dans aucun autre culte. Cet état de choses n’est point naturel, et il contribue étrangement en France à l’inertie et à la déperdition du sentiment religieux.

Une autre conséquence, c’est que la philosophie et la science perdent parmi nous, dans la position qui leur est faite vis-à-vis de l’église, quelque chose de leur sérénité et de l’impartialité qui ne devrait jamais cesser de les animer. La philosophie et la science n’ont point à traiter les religions en ennemies, leur domaine est distinct de celui des religions ; leur œuvre naturelle est différente de l’œuvre religieuse, et elles ne seraient ni la science ni la philosophie, si elles méconnaissaient l’existence indestructible des sentimens et des faits religieux au sein de l’humanité, et si elles avaient la prétention de retirer à ces sentimens et à ces faits la liberté de leurs développemens. Cependant, grâce aux contradictions de notre organisation des églises, il est incontestable qu’en France le travail philosophique et scientifique présente toujours, en opposition à la religion, un caractère violent, agressif, révolutionnaire. Quand sortirons-nous de cette fausse et douloureuse position ? Nous ne le savons ; mais précisément parce que nous n’en sommes point sortis, nous devons défendre sans fléchir dans la personne des écrivains et des membres du haut enseignement attaqués par la réaction religieuse les droits de la science et de la liberté.

Nous sommes encore sous l’impression du procès qui vient d’être jugé à Aix, et de l’arrêt de la cour prononçant au civil qui a suivi le verdict du jury. Personne n’ignore que des faits qui n’ont point donné lieu à une condamnation au criminel peuvent justement soumettre leurs auteurs à des réparations civiles. La cour d’Aix, dans l’arrêt qu’elle vient de rendre à la suite du procès Armand, a entendu observer cette distinction, consacrée par la jurisprudence ; mais la conscience publique répugne à une telle distinction dans un procès où l’existence des actes imputés à l’accusé entraînait sa culpabilité, et où le verdict du jury, déclarant l’innocence, niait implicitement la participation de l’accusé aux faits qui étaient la base de l’accusation. Entre un verdict et un arrêt qui paraissent contradictoires, la conscience publique a été, pour ainsi dire, déchirée. De telles anomalies sont faites pour troubler parmi nous la notion du juste. Il n’est pas bon que de tels conflits se produisent entre l’autorité souveraine du jury et les organes les plus élevés de la justice. Le dangereux problème posé par la cour d’Aix sera résolu sans doute par la cour de cassation ; mais quand on voudra mettre la main à la réforme de notre procédure criminelle et à la réorganisation de la magistrature en France, on aura de curieux enseignemens à chercher dans les dossiers et les débats de l’affaire Armand.

Les lettres viennent de faire une perte cruelle. M. Ampère est mort subitement à Pau dimanche 27 mars. Nous ne pouvons consacrer ici qu’une parole de douloureux regret à cet éminent collaborateur, dont les lecteurs de la Revue ressentiront aussi vivement que nous la perte soudaine. M. Am-