Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/706

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rence les oisifs de Rome. Cicéron met sur la même ligne une promenade sous le portique de Pompée et une promenade dans le Champ-de-Mars. Catulle dit à son ami Camerius : « Je t’ai cherché dans le cirque, dans toutes les boutiques de libraires, dans le petit Champ-de-Mars, dans le temple sacré de Jupiter, dans la promenade de Pompée. » Ovide en vante la fraîcheur pendant l’été ; il conseille à celui qui veut plaire aux dames romaines d’aller flâner à l’ombre de ce portique et sous les arbres qui l’entouraient. Properce emploie à peu près les mêmes termes en indiquant qu’on s’y promenait en toilette (cultus) ; la jalouse Cynthie lui défend de se promener, élégamment vêtu, à l’ombre du portique de Pompée. Le portique de Pompée était bordé de deux rangs de platanes, parmi lesquels on avait placé des figures d’animaux ; des tapisseries étaient suspendues entre les colonnes. On peut se faire une idée de l’effet qu’elles produisaient par les tentures qui ornent le portique de Saint-Pierre pendant la procession de la Fête-Dieu. Ce monument était l’orgueil de Pompée ; il croyait s’être assuré la faveur du peuple de Rome en assurant ses plaisirs. Les applaudissemens qui l’accueillaient quand il paraissait dans son théâtre retentissaient encore de loin à son oreille après qu’il eut fui de Rome devant César pour n’y plus rentrer : il en rêva la veille de Pharsale ; mais, toujours incertain, il douta du présage, parce que dans ce songe il ornait son temple de Vénus ; il craignait que ce ne fût un signe favorable pour César, qui descendait de Vénus, et il lui sembla que ces applaudissemens résonnaient comme une plainte. « Il se revoyait jeune, dit Lucain, tel qu’il était quand, vainqueur de Sertorius, il recevait, simple chevalier, les applaudissemens du sénat. Maintenant il ne devait plus revoir sa patrie, et c’est ainsi que la fortune lui donna Rome ! »

Pompée inaugura son théâtre par des jeux magnifiques, auxquels Cicéron, quittant la campagne, venait assister, non par goût pour le spectacle des combats d’animaux (on sait qu’il ne l’aimait point), mais parce que c’était faire une politesse à Pompée, et qu’il entrait alors dans son plan de conduite, tout en s’adoucissant pour César, de ne pas négliger Pompée. Dans ces jeux, on tua cinq cents lions et vingt éléphans. Le peuple, qui voyait avec plaisir mourir les hommes, s’attendrit aux gémissemens et aux attitudes suppliantes des éléphans. C’est que les hommes mouraient sans se plaindre. Les lamentations de Mme Du Barry émurent la féroce populace que ne touchait point la pieuse résignation de la reine ou la fermeté stoïque de Mme Roland. Et puis ce fut une occasion de maudire publiquement Pompée ; l’irritation populaire se soulagea en s’en prenant à lui de la mort des éléphans.