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viculture a fait de nouvelles conquêtes, et l’une des plus précieuses est le pin d’Autriche (pinus nigra austriaca), qui se développe aussi très vite et qui se contente des plus maigres terres. Avec ces deux résineux, le pin sylvestre pour les bois légers et le pin d’Autriche pour les hautes futaies, la Hollande doit faire la conquête de ses landes et les transformer peu à peu en forêts assez étendues pour répondre en grande partie aux besoins de la consommation intérieure.

En résumé, un meilleur assolement dans la région des sables, plus de soin à recueillir les engrais dans la région de l’argile et plus de plantations dans les landes encore trop étendues, voilà les améliorations principales que réclame l’économie rurale de la Néerlande. Déjà de divers côtés on travaille dans ce sens, et tout indique que les efforts seront couronnés de succès. Par suite de la configuration du pays et plus encore des circonstances, les classes aisées s’étaient vouées presque exclusivement au commerce, et cependant le Hollandais, non moins que l’Anglais ou l’Allemand, aime la campagne; il est, comme on dit de l’autre côté du Rhin, naturfreund, c’est-à-dire ami de la nature. Sa littérature même le prouve, car on y rencontre tout un groupe spécial de poésies destinées à célébrer les délices de la vie champêtre et les caractères propres de chaque province, de chaque district. Ces bucoliques s’appelaient des arcadias, et quoique la plupart soient d’un goût suranné et un peu trop surchargées de souvenirs mythologiques, il s’en trouve dans le nombre quelques-unes qui sont naïves et vraies. Le nombre immense des maisons de campagne et le soin minutieux qui y préside à l’entretien des fleurs et des bosquets révèlent aussi le goût de la vie rurale. Sans doute on ne trouve guère ici de ces châteaux accouplés à une vaste ferme dont ils dominent la cour, comme on en voit tant encore en France et dans le sud-est de la Belgique ; mais il ne faut pas oublier que la noblesse féodale a disparu de bonne heure, et que les riches commerçans qui lui ont succédé tiraient leurs profits du trafic avec l’étranger et non du sol de leur pays. La terre était restée ainsi entre les mains des paysans, qui s’enrichissaient sans aspirer à changer d’état et sans songer à vendre leurs biens. Toutes les grandes villes étaient d’ailleurs situées dans la zone des herbages, qui ne comportait qu’une exploitation pastorale extrêmement simple et peu de nature à tenter l’activité des capitalistes qui auraient pu s’occuper d’améliorations agricoles. On se contentait d’avoir près des villes, à l’abri des dunes ou sur quelque relèvement sablonneux au-dessus du niveau des hautes eaux d’hiver, une maison des champs, ou même un petit pavillon, koepeltje, refuge verdoyant et tout orné de fleurs, où l’homme d’affaires venait se reposer du mouvement trop aride des transactions commerciales et financières.