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pour les cartes. Cependant la géodésie ne peut être une entreprise locale ; elle franchit aisément les frontières, et gagne en précision en même temps qu’en étendue. La coordination des travaux topographiques exécutés par les divers états dépend en partie de l’uniformité des poids et des mesures, question que la géodésie elle-même a essayé de résoudre, et qui est des plus graves pour les progrès de la science, pour l’extension du commerce et de l’industrie. Le système décimal des mesures, des poids et des monnaies, dont l’existence légale en France remonte déjà loin, n’a encore été accepté que par quelques nations européennes, la Belgique, la Hollande, la Suisse et l’Italie, et par des états nouveaux de l’Amérique du Sud, qui l’ont en partie modifié et accommodé à leurs usages locaux. On attribue volontiers à des préjugés nationaux le retard que mettent les autres nations à s’approprier le système métrique. Cette opinion peut avoir quelque fondement ; mais les préjugés et même les habitudes ne sont pas le seul obstacle à la généralisation de nos mesures décimales. La géodésie nous a fait voir qu’il y a un certain degré d’arbitraire dans l’évaluation primitive de l’unité de longueur métrique. Enfin une nouvelle théorie vient d’apparaître, qui considère les forces physiques comme des manifestations variées d’un seul et unique pouvoir[1]. À ce titre, les unités de temps, de longueur, de force, de chaleur, de lumière, d’électricité, sont connexes, et doivent s’enchaîner l’une à l’autre au moyen de certains nombres appelés coefficiens ou équivalens, que l’observation fera connaître. Nous avons pris dans la nature l’unité de longueur ; d’autres, y prenant l’unité de force, créeront un système de mesures différent du nôtre et cependant aussi naturel. Par malheur, la détermination des équivalens physiques est un problème trop complexe et trop délicat pour que la solution en soit prochaine. Il faut, pour le moment, que nous nous contentions de poids et de mesures arbitrairement fixés. Malgré ses imperfections, notre système décimal peut donc encore réclamer la suprématie, et tous ceux qui s’intéressent au progrès des sciences géographiques doivent faire des vœux pour qu’il se propage, car on comprend aisément quelle force elles puiseraient dans une meilleure coordination des travaux si délicats et si variés qui leur servent de base.

H. Blerzy.
  1. Voyez la Revue du 1er mai 1863.