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1817, époque à laquelle le gouvernement, voulant faire étudier à l’avance les bases et le mode d’exécution d’une telle entreprise, en confia l’examen à une commission présidée par l’illustre Laplace, et composée de quatorze membres appartenant aux divers services publics qu’intéressait la description topographique du pays. Il fut décidé par cette commission que la nouvelle carte serait faite de toutes pièces, sans qu’on s’aidât en aucune manière des anciens plans ou dessins dont l’authenticité était contestable. L’arpentage des géomètres du cadastre, commencé depuis 1808 dans tous les départemens de l’empire, pouvait seul être utilisé comme moyen accessoire d’obtenir à moins de frais la planimétrie du terrain. Le canevas trigonométrique devait avoir pour base la grande méridienne mesurée par Delambre et Méchain entre Dunkerque et Barcelone; d’autres chaînes de triangles, déterminées avec le même soin et les mêmes garanties, seraient espacées de 200 kilomètres, tant du nord au sud que de l’est à l’ouest. C’était là la triangulation de premier ordre; puis les quadrilatères ainsi formés seraient remplis par une triangulation secondaire, exécutée avec des instrumens moins parfaits et plus expéditifs, et enfin ces triangles secondaires seraient divisés à leur tour en triangles de troisième ordre, qui seraient encore moins soignés, comme ayant moins d’étendue et d’importance, et qui donneraient des points de repère aux ingénieurs chargés des derniers détails du lever. Tout était étudié et calculé pour que chaque partie de l’opération eût un degré d’exactitude proportionné à son importance, et ainsi pour que les erreurs ne s’accumulassent pas d’un bout à l’autre de la France. La carte d’un grand pays doit être en effet une œuvre d’ensemble. Lorsqu’en Angleterre on voulut faire séparément la topographie de chaque comté, on reconnut bien vite que toutes ces feuilles isolées manquaient de symétrie, et qu’elles ne pouvaient être rapprochées l’une de l’autre sans présenter dans leurs parties communes des anomalies choquantes.

Les travaux de la carte de France, commencés en 1818, ont été poursuivis sans interruption depuis cette époque, d’abord par les ingénieurs-géographes seuls, puis, à partir de 1831, grâce au concours des officiers d’état-major avec lesquels les premiers se virent fusionnés. La triangulation du premier ordre, base primordiale de l’œuvre, fut terminée en 184b, après vingt-sept années de travaux. Le lever du terrain serait aujourd’hui complet, si l’on n’avait eu depuis 1860 à y comprendre les trois départemens annexés. Les premières feuilles gravées parurent en 1833, et les dernières ne seront probablement pas publiées avant sept ou huit ans. Il aura donc fallu plus de cinquante années pour exécuter la topographie com-