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menté, hérissé de grands bois[1], régnait le fameux Muraca, ancien chef urbain et chasseur de bandits, puis bandit lui-même; dans d’autres parties des Calabres rôdaient Mittica et Monaco. Dans la province de Salerne, un débarquement jeta au pied du Cilento le jeune Tardio, qui venait de Civita-Vecchia avec vingt-sept hommes : c’était un étudiant en droit, le seul lettré du pays qui se fût trouvé parmi les brigands, et connu par des proclamations ridicules. L’arrondissement de Campagna fut infesté presque en même temps par Ricci et Marcantonio. Sur les hauteurs qui dominent Amalfi se montraient force paysans armés ; Barone et Pilone inquiétaient les pentes du Vésuve ; des voleurs s’embusquaient dans les bois des Camaldules. Aux environs de Nola se maintenaient audacieusement Cipriano La Gala et d’autres chefs de bandes, qui venaient attaquer jusqu’aux stations du chemin de fer de Caserte ; mais les provinces les plus maltraitées par l’éruption du brigandage furent toujours celles de l’intérieur. Les rives de l’Ofanto et du Fortore virent s’amasser bientôt les plus fortes bandes. Des bords de l’Ofanto, elles se jetèrent dès lors en ordre dans les arrondissemens de Melfi, de Sant’ Angelo de’ Lombardi, d’Altamura et de Barletta, de Foggia et de Bovino, menaçant ainsi et ravageant quatre provinces. Des bords du Fortore, elles se précipitèrent d’un côté sur les Pouilles, de l’autre sur le comté de Molise et l’ancienne principauté de Bénévent. Crocco, Coppa, Sacchitiello, finirent par résider dans la vallée de l’Ofanto, d’où ils allaient joindre de temps en temps Ninco-Nanco, qui occupait le bois de Lagopesole. Schiavone (qu’il ne faut pas, comme on l’a déjà dit, confondre avec Chiavone) allait et venait, toujours en marche, entre Ariano et Bovino. Caruso et Titta Varanelli se tenaient sur les rives du Fortore, d’où ils firent plus tard de nombreuses expéditions en tout sens, mais principalement en Capitanate. Coppolone et Serravalle erraient dans l’arrondissement de Matera, en Basilicate ; au midi de cette province galopait avec ses cavaliers le féroce Gavalcante ; Tortora se cachait dans les bois de Ripacandida. Les autres bois de la contrée, ceux de Policoro, de Montemilone, de San-Cataldo, de Monticchio, servaient de refuge et d’asile à des centaines de malfaiteurs. Enfin, pour compléter tout ce désordre, encouragé par l’impuissance ou l’indécision des premiers lieutenans du roi, la réaction se mit de la partie, et le 7 juillet 1861, dans la seule province d’Avellino, trente et une communes se soulevèrent à la fois en arborant le drapeau blanc.

C’est alors que le général Cialdini arrivait à Naples (juillet 1861). La santa-f’ede, c’est-à-dire la populace déchaînée, triomphait dans

  1. Parmi ces bois, on compte le Cariglione, qui fut toujours appelé le Château des brigands.