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absolument vides. C’est alors la famine qui se répand sur les pauvres quartiers de la ville.

On peut dire de la Cornouaille qu’elle a trois moissons ; l’une qui jaunit à la surface du sol, l’autre que l’on recueille dans les ténèbres des mines, et la dernière qui mûrit au fond de la mer. De ces trois moissons, la pêche n’est pas la plus fructueuse, et pourtant les produits n’en sont point à dédaigner. En 1847, la récolte du pilchard s’était élevée à 41,623 hagsheads. En 1862, année médiocre, on a exporté des côtes de la Cornouaille, sur les rives de la Méditerranée et de l’Adriatique, 17,854 barils de pilchards, représentant chacun pour les cureurs une valeur de 50 à 65 shillings. Ces résultats matériels ne sont point les seuls qu’on doive envisager : la pêche entretient sur les côtes ouest de l’Angleterre une population vigoureuse et de nobles caractères formés à la dure école des dangers sans cesse renaissans. L’instruction des pêcheurs, je l’avoue, n’est pas très étendue ? ils n’ont guère étudié que deux livres, la Bible et la mer. Dans la Bible, ces hommes de foi naïve apprennent tout ce qu’ils ont besoin de savoir sur les merveilles de la création et sur leurs destinées futures. La mer, qu’un poète de la Cornouaille appelle la reine des apaisemens et des graves leçons, leur enseigne d’un autre côté, à se dominer eux-mêmes, à lutter contre les élémens par l’indomptable énergie du sang-froid et à secourir au besoin les vaisseaux courbés sous la tempête. Par les mauvais temps, les misères se penchent à la surface de l’abîme vers les misères ; les pêcheurs viennent bravement en aide aux naufragés. Un assez grand nombre de bateaux de sauvetage, life boats, manœuvrent sur les côtés sévères de la Cornouaille, dirigés par la main de ces hommes intrépides, qui font ainsi apparaître le sourire divin de l’espérance jusque dans la terrible et sanglante lueur des éclairs.


ALPHONSE ESQUIROS.