Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/497

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment, elles deviennent européennes. Il est moralement invraisemblable, du jour où la France, l’Angleterre et la Russie auront mis les mains dans ce débat, que la guerre puisse recommencer, ou qu’en tout cas les Danois puissent être seuls à la soutenir. Toutes les bonnes raisons se réunissent pour engager le Danemark à consentir à la conférence ; on est en général si convaincu à Paris que le Danemark n’a pas de meilleur parti à prendre, qu’un refus de sa part exciterait une pénible surprise.

La réunion d’une conférence aurait pour effet immédiat, en France et en Angleterre, de dissiper les craintes de guerre. La tache de cette réunion diplomatique serait loin cependant d’être facile. La Prusse et l’Autriche, après avoir conclu leurs derniers arrangemens militaires et décidé l’invasion du Jutland, ont eu le bon sens de déclarer récemment pour la seconde fois qu’elles entendaient maintenir l’intégrité de la monarchie danoise. Après une telle assurance, si l’on cherche la satisfaction morale et politique que devront réclamer les deux grandes puissances allemandes, on voit qu’il ne peut y en avoir qu’une seule : fusion administrative du Slesvig et du Holstein, et union personnelle des deux duchés à la couronne de Danemark. Que les puissances amies de la paix voulussent accepter une telle solution, c’est possible ; mais les difficultés viendront à la fois et du Danemark et de la diète de Francfort, représentant les moyens et petits états allemands. La substitution du lien personnel au lien réel concernant le Slesvig serait pour les Danois une profonde blessure, et léguerait à l’avenir de graves embarras. — Nous ne nous battons point pour une question dynastique, disent les Danois ; peu nous importe que notre roi soit duc d’un état allemand. Nous ne faisons point la guerre pour le Holstein, mais nous luttons pour la possession du Slesvig, qui a toujours été terre danoise ; nous combattons pour l’indépendance et l’autonomie du Danemark-Slesvig. — D’un autre côté, l’Allemagne qui n’est ni la Prusse ni l’Autriche, cette Allemagne qui se cherche à travers ces complications, qui poursuit le triomphe du principe des nationalités, et non un succès pour la politique prussienne ou autrichienne, recevrait de cette solution un amer désappointement.

L’impartialité nous oblige à reconnaître que tous les argumens puisés dans le sentiment et les intérêts vraiment allemands s’élèvent contre la politique de la Prusse et de l’Autriche. Les Allemands des duchés, disent les ministres des états secondaires et les organes de la politique de la diète, les Allemands des duchés ne veulent pas plus que les Danois de l’union personnelle. Après ce qui s’est passé, Danois et Allemands ne peuvent plus vivre ensemble. D’ailleurs jamais entre eux il n’a existé de véritable paix : ils ont toujours été divisés par des jalousies querelleuses, par des rivalités de cour, par la compétition des places ; ils diffèrent par le caractère, par la langue, par les mœurs. Copenhague est le foyer intellectuel des Danois ; les Allemands sont entraînés dans l’orbite de la civilisation germanique, la