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qu’ils suivent la politique des églises d’état couvrant du privilège dont elles jouissent des doctrines qui effarouchent l’orthodoxie, qu’ils imitent l’église d’Angleterre, dont la tolérance s’étend depuis le catholicisme archaïque et mystique du docteur Pusey jusqu’à l’exégèse hardie des auteurs des Essays and Reviews, — qu’ils se résignent en un mot à être latitudinaires.

Ce qui a lieu de surprendre, c’est que l’activité d’opinion qui commence à se faire jour sur plusieurs points ne s’applique pas encore chez nous à la grave question extérieure qui trouble aujourd’hui l’Europe. L’esprit public en France demeure à l’égard du conflit dano-allemand dans un état d’incertitude passive, dans une incertitude plus grande encore que celle où parait être notre gouvernement. À en juger par les correspondances diplomatiques publiées dans le Blue Book anglais, notre diplomatie garde le silence et demeure inactive ; mais son silence a l’air de cacher des réticences. M. Drouyn de Lhuys, dans ses causeries avec lord Cowley, réserve la liberté d’action de la France, ce qui permet de supposer que nous n’entendons point nous renfermer dans la force d’inertie. Quoi qu’il en soit, l’opinion publique parmi nous n’essaie pas même de mesurer la situation que font à la France les mouvemens de l’Allemagne et les combinaisons de la Prusse et de l’Autriche. On ne s’interroge point sur la question des alliances ; on demeure attaché aux incidens qui peuvent naître du travail de négociations auquel le cabinet anglais se livre sans relâche et sans découragement, ou de la continuation des hostilités dans le Jutland.

Ce que l’on attend surtout à l’heure qu’il est, c’est la réponse du Danemark à la proposition d’une conférence. Lord Russell, en annonçant la semaine dernière que cette conférence était acceptée en principe par la Prusse et par l’Autriche, et devait même à de certaines conditions être accompagnée d’un armistice, a fait espérer que le Danemark enverrait avant peu de jours sa réponse. Dans l’état présent des choses, le Danemark ne semble avoir rien de mieux à faire que d’accepter l’ouverture d’une négociation européenne. Cet intéressant pays ne peut que gagner à la substitution de l’action diplomatique à l’action militaire. Les avantages de cette politique ressortent avec tant d’évidence qu’ils sont de nature à frapper le patriotisme du peuple danois, qui a fait amplement ses preuves de fermeté et de courage. Si les hostilités continuent, le Danemark se trouve aux prises avec des ennemis trop redoutables pour qu’il puisse leur opposer une longue résistance ; il est obligé de soutenir cette lutte disproportionnée seul et sans aucune chance d’être secouru. De nouvelles et plus cruelles calamités, voilà tout ce que peut lui promettre la poursuite de la guerre. Au contraire, en acceptant la conférence, le Danemark voit finir son isolement, il n’est plus réduit pour se défendre à ses seules et insuffisantes forces ; sa cause passe dans les mains des grandes puissances signataires du traité de 1852, qui sont demeurées ses amies ; les questions qui l’ont brouillé avec l’Allemagne perdent le caractère local et particulier qu’elles ont en ce mo-