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l’incendie. D’autres fois la pièce, incomplètement ventilée, contient un mélange détonant ou bien une certaine quantité de gaz (un volume de gaz pour une quantité d’air de sept jusqu’à quatorze volumes). Dans ces conditions, la bougie allumée détermine une inflammation subite dans tout l’espace, et l’énorme volume de vapeur d’eau et de gaz acide carbonique engendrés instantanément à une haute température par la combustion de l’hydrogène carboné fait voler en éclats les vitres et renverse les cloisons. Malgré les avis des conseils d’hygiène publique et les sages prescriptions de l’autorité administrative, on a encore quelquefois à déplorer des explosions de ce genre.

Une autre source de nombreux accidens tenait aux dispositions des tubes de distribution que l’on avait la fâcheuse habitude de faire passer, pour les dissimuler, dans des cavités closes, sous les planchers, à l’intérieur des plafonds ou dans les comptoirs des magasins. Le gaz introduit par quelque fuite dans l’air de ces espaces clos y pouvait former des mélanges détonans que la moindre fissure dans le voisinage d’un bec allumé suffisait à enflammer. Ces chances redoutables n’existent plus depuis que par mesure de sécurité générale on a imposé aux appareilleurs[1] l’obligation de poser tous les tubes de distribution apparens, c’est-à-dire à la surface des murs et des plafonds, même dans les plus somptueuses demeures ; cette utile prescription ne nuit en rien à l’élégance des appartemens ou des divers établissemens publics, car nos architectes-décorateurs ont su y trouver des motifs d’ornementation en répétant les formes saillantes des tubes à l’aide de tringles pleines, peintes ou dorées, symétriquement disposées de la même manière.

En plusieurs occasions, on est parvenu à découvrir l’origine singulière de larges fuites qui ont déterminé des explosions accidentelles à l’intérieur des habitations. Le premier exemple de ce genre a été observé à Paris après une explosion de gaz qui avait renversé toute la devanture vitrée d’une des étroites boutiques installées provisoirement rue Vivienne contre une muraille remplacée aujourd’hui par les constructions neuves et l’une des grilles de la Bibliothèque impériale. En retirant sous les décombres et les débris du parquet le tube en plomb distributeur de gaz, on reconnut, non sans quelque étonnement, qu’une ouverture latérale, large d’un centimètre environ, y était pratiquée. Dès lors l’explication de l’accident était toute simple, car le passage du gaz par ce trou avait dû, un instant avant l’arrivée de l’allumeur, produire le mélange explosif qui avait

  1. Nom donné aux entrepreneurs qui se chargent d’établir les appareils de distribution du gaz dans les habitations.