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Paris des quatre usines à gaz existant alors dans son enceinte ; mais à peine étaient-elles reconstruites sur une plus vaste échelle, dans les conditions qui leur étaient assignées, qu’une autre mesure, ajournée jusqu’alors, a reculé les limites de la capitale jusqu’aux fortifications. Dès lors quatre des six usines à gaz, renfermées dans l’enceinte ainsi agrandie de la ville, ont vu surgir autour d’elles une foule de constructions, dont le nombre augmentera nécessairement de jour en jour avec le développement de la population. D’un autre côté, cette situation, s’aggravera encore par l’extension immense de la production. En effet, tandis que dans un intervalle de quatorze années, de 1848 à 1862, la population de Paris, en y comprenant celle du territoire annexé, ne s’était guère accrue que de moitié, la consommation du gaz se trouvait quintuplée[1]. En présence d’une semblable progression, il est temps d’aviser, car on peut prévoir que, dans un avenir peu éloigné il n’y aurait pas un seul arrondissement de Paris absolument à l’abri des émanations de ces usines.

Il n’y a que deux moyens pour résoudre complètement cette question : ou transporter les usines à gaz en dehors de la ligne des fortifications et même de la nouvelle banlieue, ou bien détruire dans le sein de chaque usine la cause principale des émanations infectes.

Un exemple qui nous est fourni par l’Angleterre semble indiquer la voie à suivre pour arriver à une solution favorable. On a vu comment la réoxydation à l’air libre des oxydes de fer était actuellement la principale cause des émanations. C’était là également le sujet des plaintes des habitans domiciliés autour d’une grande usine établie presque au centre de la Cité de Londres. En de pareilles occasions, chez nos voisins, on ne s’adresse guère à l’autorité administrative, qui laisse volontiers les parties s’entendre entre elles, et d’ordinaire celles-ci s’arrangent en effet, au moins devant les tribunaux. C’est qu’aussi les Anglais ont généralement l’habitude, assez

  1. En 1848, le nombre total des becs alimentés par les usines qui distribuent le gaz à l’aide de conduites souterraines, en y ajoutant les becs qu’alimente le gaz portatif (transporté dans des cylindres en tôle et réduit au dixième de son volume sous la pression de 10 atmosphères) ne s’élevait encore qu’au chiffre de 87,055. Ce nombre est plus que quintuplé aujourd’hui, et la progression est loin de s’arrêter : on peut s’en convaincre par la comparaison entre deux années consécutives dans Paris, communes annexées comprises.
    Années Nbre de mètres cubes Nbre des becs de la ville Nbre des becs des particuliers
    1861 84,250,676 20,807 462,875
    1860 75,518,922 17,538 396,004
    Augmentation 8,731,754 3,209 66,871

    On voit que, de 1860 à 1861, l’augmentation du volume consommé dépassait un dixième, et que, la progression continuant ainsi, la fabrication serait doublée avant dix ans.