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un des classiques de la matière. Les ouvrages de M. Calligas sur le droit romain tel qu’il est encore en vigueur en Grèce, de M. Pierre Paparrhigopoulos sur les obligations, de M. Phréarritis sur les Institutes de Justinien, de M. Navtis sur le droit commercial dans l’antiquité et dans les temps byzantins, sont cités avec estime par les jurisconsultes de l’Allemagne. Tout cela, sans doute, n’est que l’analogue de ce que l’on voit dans les autres pays de l’Europe ; mais ce qui serait tout naturel ailleurs frappe à bon droit en Grèce, lorsqu’on songe au point de départ, encore si rapproché. Aussi l’une des impressions les plus vives de nos voyages a-t-elle été d’assister, à Athènes, aux séances d’une commission de jurisconsultes indigènes discutant la rédaction d’un code civil sur les bases de la législation française adaptée aux mœurs du pays, dans cette ville où trente ans plus tôt le chef des eunuques noirs imposait ses caprices à de tremblans esclaves.

Dans la carrière des sciences physiques et mathématiques, en exceptant la médecine, le développement est moins marqué. Il semble que ces aptitudes ne se soient pas encore réveillées comme celles dont nous venons de parler. La Grèce a des médecins d’un vrai mérite, quelques anatomistes, un botaniste, un astronome ; mais ni dans les mathématiques, ni dans la chimie, ni dans la physique, elle n’a jusqu’à ce jour produit de travaux originaux. La littérature de cette vaste portion des connaissances humaines se compose exclusivement de traductions. C’est en effet là une nature d’ouvrages dont il faut tenir grand compte lorsqu’on veut apprécier le mouvement intellectuel du royaume hellénique. Les traductions dans toutes les langues présentent peu d’intérêt pour les étrangers, bien qu’il y eu ait quelquefois qui s’élèvent au rang de classiques ; cependant elles ont une importance particulière en un pays qui, comme la Grèce, remplira l’égard de nombreuses populations le rôle d’intermédiaire entre la civilisation et la barbarie. Les livres les plus importans qui paraissent en France, en Allemagne, en Angleterre, sont immédiatement traduits à Athènes, et c’est sous cette forme qu’ils se répandent dans le Levant.

Toute médaille ici-bas a son revers. Ce mouvement d’études libérales, qui fait la véritable force de la Grèce à l’extérieur, est en même temps une des causes de sa faiblesse intérieure. Le royaume hellénique est en réalité une tête sans corps, et le contraste de son impuissance matérielle avec l’étendue de son influence morale doit être compté comme une des premières sources de l’agitation presque perpétuelle où il se débat. Après les pays Scandinaves et l’Ecosse, la Grèce est peut-être l’état européen où l’instruction est la plus répandue dans le peuple. Les écoles primaires des deux sexes, tant celles du gouvernement que les écoles privées, y sont au