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la puissance des Achéménides, si elle n’avait appelé à son aide le bras de barbares hellénisés, qui commencèrent par l’asservir. Peuple essentiellement marin, les Hellènes s’étaient répandus le long des rivages de la mer sur des étendues assez vastes, mais étroites, où ils formaient une couche sans profondeur. Toutes les fois que la population prenait un trop grand accroissement dans les cités helléniques, un besoin inné poussait cet excédant loin du sol natal ; des troupes d’émigrans s’en allaient fonder des villes nouvelles, véritables greffes de civilisation entées sur des souches barbares, au sein desquelles pénétrèrent bientôt l’esprit et les mœurs de la Grèce. À la suite des conquêtes macédoniennes, et déjà même avant cette époque, les Grecs se sont dispersés sur un espace de terrain immense, agissant partout à l’aide de leur double supériorité intellectuelle et commerciale, modifiant par leur simple contact les tribus les plus différentes et les conquérant à l’hellénisme, laissant en un mot l’empreinte indélébile de leur passage jusque dans les régions les plus éloignées du monde antique. Cette supériorité, ils la devaient non à la vigueur ou la pureté physique de leur race, à la puissance effective de leurs cités, mais aux forces de leur âme et de leur génie. De tout temps, ce peuple vraiment privilégié a été disséminé par les décrets de la Providence au milieu des masses passives des autres peuples comme un levain qui provoquait en elles le développement, comme une âme qui leur communiquait la vie et le mouvement. Il en est encore ainsi de nos jours. Établis en colons sur les côtes de Syrie, les Grecs ont mis les Maronites en communication avec la mer, ils sont maîtres d’une grande partie du commerce de l’Égypte, et de là ils se tendent la main sur une ligne non interrompue depuis Damas et Alexandrie jusqu’à Stamboul, donnant à chacune des cités marchandes du Levant le caractère d’une ville avant tout grecque, comme l’étaient sans exception toutes les cités du littoral asiatique dans l’antiquité. Le commerce de la Mer-Noire est pour eux presque un monopole, et les grandes villes commerciales de la Russie du midi, telles qu’Odessa et Taganrog, sont réellement des colonies helléniques établies au milieu des Moscovites, de même qu’Olbiopolis, Théodosie et Panticapée étaient jadis des établissemens grecs au milieu des Scythes.

La race grecque représente la force motrice dans l’empire turc, comme, il y a vingt-deux siècles, elle la représentait dans l’Asie des Perses ; elle la représente même dans tout ce vaste empire russe auquel elle a donné sa foi, sa civilisation, ses arts, de telle façon que, dans un sens moral, il y a eu presque une sorte de transformation des Slaves en Grecs. Là où le commerce, l’industrie et la civilisation ont été portés à un certain degré de développement dans les pays orientaux, c’est aux Grecs qu’en revient l’honneur. Ecclésiastiques,