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et doit rester commun à toutes les formes que revêt l’activité du pays.

Ce n’est point là une vaine querelle ; la confusion des mots passe toujours dans les choses. On l’a vu quand le débat s’est ouvert dans le sein de la commission et entre les deux ministères en présence. Il a été aussi difficile de s’accorder sur les désignations que sur la compétence. Comme règle à suivre, on disait que l’enseignement professionnel, dans son acception populaire, ne s’applique qu’au travail des mains, et qu’ainsi désigné, il ne relevait que du ministre du commerce. On admettait bien que le ministre de l’instruction publique s’adressât aux mêmes catégories de cliens, mais sous des emblèmes et avec un signalement distincts, l’enseignement spécial par exemple. Sur un terrain plus libre, MM. Morin et Tresca ont montré la même hésitation. Ayant à qualifier l’enseignement dont ils étaient les partisans zélés, ils ne l’ont nommé ni professionnel ni spécial ; à leurs yeux, ces termes manquaient de justesse, et pour mieux le caractériser ils s’en sont tenus à la désignation « d’enseignement industriel, » ce qui n’est qu’une autre nuance dans l’impropriété. D’un sens trop absolu ils tombaient dans un sens trop restreint. On conçoit par ces détails ce que la question avait d’embarrassant à l’origine : il était aussi malaisé de la poser que de la résoudre, et personne, parmi les plus autorisés, n’eût pu dire avec précision ce qu’elle était et de qui elle relevait. Ni les rapports, ni les circulaires, ni ce que l’on sait des délibérations pendantes n’en ont changé la nature, et ce ne sera pas une tâche facile que d’en dégager les ambiguïtés.

Quand on cherche d’où sont partis ces projets et à quel besoin ils répondent, on ne trouve d’abord que cet entraînement vers les nouveautés qui s’imposent au public et au gouvernement à force d’obsessions. Dieu sait quel chemin font ces nouveautés quand l’engouement s’en mêle ! Cependant il y a ici autre chose dont il convient de tenir compte ; il y a en présence un bon et un mauvais sentiment. Le mauvais sentiment est l’esprit de dénigrement qui, depuis dix ans surtout, s’attache à la culture des lettres classiques. Peu s’en faut qu’on ne les accuse de fausser le jugement par les influences qu’elles exercent, et qu’on ne regarde comme indigne des modernes de vivre si obstinément dans le commerce des anciens. C’est en partie de ces préventions que cette agitation est venue. L’autre sentiment dont elle émane est de beaucoup meilleur. Il est constant que, dans une instruction plus universellement répandue, un traitement à part peut et doit être ménagé aux enfans dont les familles n’ont les moyens de supporter ni les frais ni les délais de l’enseignement des collèges et des lycées. Évidemment il y avait là