Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en même temps que s’affaiblit par la dispersion la sève de l’enseignement.

Parmi les incidens de cette expérience, aucun n’est plus curieux que l’essai d’enseignement professionnel dont on s’occupe en France depuis quelque temps. Des projets sont à l’examen ; il est question d’une loi : l’enseignement professionnel paraît donc devoir prendre parmi nous quelque consistance. On y a été conduit par la marche des faits. À force de descendre du général au spécial, on est arrivé à cette limite où, au lieu de meubler l’esprit, il s’agit de préparer la main. Sous l’empire des vieilles règles, franchir ce pas, pour l’ Université c’eût été déchoir. ; Non-seulement elle l’a franchi, mais, pressée d’un beau zèle, elle a pris les devans. Sa préoccupation la plus visible a été qu’on ne lui fît pas une part suffisante dans l’œuvre projetée ; elle a donc voulu affermir sa compétence contre les revendications. D’autres droits évidens se montraient à côté des siens. Dès qu’on touchait à l’instruction manuelle, le ministère du commerce, qui a dans son ressort les écoles des arts et métiers, était fondé à dire qu’on empiétait sur ses domaines et à demander un règlement d’attributions. La matière s’est ainsi compliquée. D’un côté, il fallait définir cet enseignement professionnel, en fixer les cadres, donner du corps à ce qui n’est qu’une ombre, de l’autre vider le conflit entre les prétendans, et assigner à chacun d’eux le lot qui lui revient naturellement et légitimement. Il fallait en outre s’assurer si les exemples empruntés aux pays étrangers sont vraiment péremptoires, et dans tous les cas s’ils répondent à nos besoins, à nos habitudes, à notre tempérament. Il y avait enfin à s’entendre sur les moyens d’exécution. La tâche, on le voit, était vaste et délicate. Après quelques circulaires échangées, une commission en a été saisie. Les noms de ses membres sont la garantie d’un examen sérieux ; il en est dans le nombre qui ont eu l’occasion de traiter le sujet en litige à propos de la dernière exposition de Londres, M. Mérimée pour les beaux-arts, M. le général Morin et M. Tresca pour l’industrie. Les autres commissaires étaient désignés ou par leurs fonctions ou par leurs études. Si nos informations sont exactes, des délibérations ont été prises et sont consignées dans un dossier qui est soumis au conseil d’état. À ses divers degrés, le travail est assez avancé pour qu’il puisse être porté sans retard devant le corps législatif. Le débat est donc opportun et éclairé par des pièces à l’appui. Nous pouvons rechercher, en connaissance de cause, ce qu’il y a de sérieux ou d’illusoire dans les institutions en projet, ce qu’il faut, à notre sens, en admettre ou en écarter pour aboutir à de moindres charges et laisser le moins de prise possible à d’inévitables déceptions.