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au Stock-Exchange de Londres et à la Bourse de Paris. Les choses prennent donc un nouveau tour : nous allons avoir d’autres spectacles à contempler, d’autres paroles à entendre, d’autres conjectures à former.

Dans ce renouveau, l’événement le plus digne d’intérêt est assurément la réunion de la conférence. On prophétisera ce qu’on voudra sur l’efficacité politique de la conférence : pour le moment, ce qui nous importe, ce n’est pas la fin, c’est le commencement de cette tentative diplomatique. On est d’accord en effet que le premier acte de la conférence, celui qui précédera toute délibération sur le fond ou la forme de la question dano-allemande, sera le règlement d’un armistice entre les belligérans. Quant à nous, nous avons considéré l’effusion si inutile de sang à laquelle on a vu aboutir la discussion de l’Allemagne avec le Danemark comme un des faits les plus tristes et les plus honteux de notre siècle. Cette guerre si disproportionnée, si intempestive, cette guerre dont les résultats étaient dominés d’avance par la nécessité d’une délibération européenne, laissera dans l’histoire de notre temps le souvenir et la tache d’un crime absurde. Nous n’eussions jamais cru, pour notre part, qu’un pareil mépris du sang humain pût exister à notre époque parmi des gouvernemens européens, ou que, si ce goût de la guerre arbitraire et sans scrupule existait quelque part, il ne fût pas impérieusement contenu ou réprimé par le cri de la conscience européenne. Malgré la cruelle déception que nous avons éprouvée à cet égard, nous persistons à croire que le jour où les plénipotentiaires des grandes puissances se rencontreront face à face, le jour où ils seront en présence de la responsabilité que la continuation des hostilités fait peser sur les gouvernemens de l’Europe et de la honte véritable qu’elle doit causer aux plus puissans d’entre eux, il est impossible qu’il ne soit pas mis fin immédiatement au scandale de cette guerre. Voilà le résultat, résultat trop tardif, que nous attendons de la réunion de la conférence : on peut envisager avec scepticisme et avec ironie l’œuvre politique que va entreprendre la diplomatie, quelques cabinets ont pu même en retarder la réunion à la pensée des difficultés qu’elle rencontrerait dans l’accomplissement de sa tâche ; mais les questions d’humanité doivent l’emporter sur les calculs de la politique. Ceux qui ont retardé la réunion de la conférence ont mal agi ; ceux qui en décrient d’avance l’œuvre politique n’ont pas plus de présence d’esprit que de justesse de sentiment. Il faut aller au plus pressé : or le plus pressé ici, c’est la cessation de la guerre, c’est la fin de ce monstrueux duel entre le petit Danemark et l’énorme Allemagne ; le plus pressé, c’est de pourvoir à la question d’humanité. C’est ce que fera la conférence en marquant son début par la conclusion d’un armistice, et l’armistice est le commencement et la garantie de la paix.

Quant à l’œuvre même de la conférence, tout le monde en connaît les difficultés pour ainsi dire inextricables, si chaque partie engagée dans le débat s’en tient aux prétentions qu’elle a mises en avant. Suivant nous, la