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son droit d’occupation : tout au plus accepta-t-il ce mot vague de « diversion dans la Poméranie, » qui ne gênait en rien ses mouvemens.

Quant au traité du 13 décembre 1769 entre la Russie et le Danemark, il était destiné à compléter l’œuvre finale que Catherine II venait de préparer secrètement avec le roi de Prusse. Il n’est question dans le corps du traité que des conditions générales d’une alliance entre les deux cours de Pétersbourg et de Copenhague ; mais la raison et le but de cette alliance sont découverts dans le second et le dixième articles secrets, dont nous donnons le texte d’après l’original, écrit en français et conservé aux archives des affaires étrangères à Copenhague[1].


« Article 2 secret. — Les deux hautes parties contractantes, étant également convaincues que l’intérêt immédiat de leurs couronnes est attaché au maintien de la forme du gouvernement[2] de la Suède, et voulant déterminer le point par lequel cet intérêt se trouverait essentiellement blessé, ont arrêté que le bouleversement de la constitution de 1720, en tout ou même dans une seule de ses parties, en tant que l’altération faite à cette partie tendrait à restreindre le pouvoir des états et à étendre les prérogatives du pouvoir souverain, sera regardé par les deux couronnes comme une agression de la part de la Suède, et constituera, sans aucune explication ou discussion ultérieure, le casus de leur alliance.

« Article 10 secret. — Sa majesté impériale de toutes les Russies, en conséquence de ses sentimens d’amitié pour sa majesté le roi de Danemark et de son système politique relativement à sa monarchie, voulant considérer tout agrandissement en faveur de cette couronne comme un agrandissement propre à son empire, promet et s’engage que, dans le cas de la guerre contre la Suède, à laquelle sa majesté danoise participera selon la teneur de ce traité, toutes les conquêtes qui pourront être faites sur les Suédois du côté de la Norvège, elle les garantit à sadite majesté, qu’elle ne conclura ni paix, ni trêve, ni entendra à aucune proposition sans le consentement et la participation de sa majesté danoise, et qu’elle ne mettra point bas les armes sans qu’il soit accordé à sadite majesté une indemnité pour les frais de la guerre ou un agrandissement convenable, par la cession de toutes lesdites conquêtes ou partie, comme aussi de son côté sa majesté le roi de Danemark et de Norvège promet et s’engage de ne conclure ni paix, ni trêve, ni entendre à aucune proposition sans le consentement et la participation de sa majesté impériale de toutes les Russies. »

  1. Ce traité figure par une mention seulement dans le recueil de Reedtz, Répertoire historique et chronologique des traités conclus par la couronne de Danemark…. Goettingue, 1826, in-8o. On lit à la page 217 de ce recueil ces seules lignes : « Traité d’alliance entre le Danemark et la Russie touchant les affaires de Suède. À Copenhague, 13 décembre 1769. Non imprimé. »
  2. Regeringsform. Ce nom désigne encore aujourd’hui en Suède l’acte constitutif du royaume, la constitution proprement dite.