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semble avoir été accordé à notre race ; celle que je veux relever ici n’a pas été mentionnée, que je sache, par les savans écrivains dont je viens de résumer les découvertes. Il faut se rappeler que ce qui détermine dans la haute antiquité les émigrations en masse, c’est surtout, et plus encore que l’accroissement de population, la pression des hordes étrangères qui se jettent sur un territoire à leur goût, après avoir été le plus souvent elles-mêmes expulsées de leur patrie. En pareil cas en effet, les émigrans ne se bornent pas à chercher une autre patrie, ils la désirent le plus loin possible des envahisseurs qui les ont dépossédés : de là surtout les émigrations lointaines. Il paraît que c’est la race mongole qui de tout temps a été la motrice première des grands ébranlemens de l’humanité à la surface du globe. Il semble même prouvé que ce fut un mouvement de ces terribles nomades qui, de ricochet en ricochet, jeta les peuples germaniques sur l’empire romain aux premiers siècles de notre ère. Eh bien ! c’est là une très vieille et très longue histoire qui dure encore, bien que sur une échelle désormais bien réduite, en ce sens que l’ancien pays des Aryas est encore aujourd’hui, comme il l’a été de tout temps, exposé aux incursions sans fin des tribus pillardes du Turkestan. Nous savons par les documens zends et par les inscriptions cunéiformes que la guerre entre ces tribus et les Aryas fut quelque chose de permanent. C’est elle qui fait le fond de la légende héroïque du vieil Iran ; il est probable que le Véda lui-même en fait encore mention, et il n’est pas à douter que les premières migrations des populations aryennes eurent pour cause leur refoulement à la suite d’invasions touraniennes. Mais ce qui, à mon sens, aurait dû frapper davantage les ethnologues, c’est l’exiguïté de ce qu’on pourrait appeler le canal d’écoulement du trop-plein de l’antique terre des Aryas. Reprenons un moment la carte d’Asie. Voici des populations resserrées, comprimées contre les monts Bolor par une invasion touranienne. Ce n’est qu’avec lenteur, comme par une espèce de suintement causé par la pression, que la fraction méridionale traversera les passes effrayantes de l’Hindou-Khô pour se répandre dans les vallées tributaires de l’Indus. En attendant, que feront les autres ? Au nord et à l’est sont les Touraniens, devant eux la Caspienne, plus bas le grand Désert-Salé. Une route, une seule, leur est ouverte ; c’est la bande étroite d’oasis qui sépare le grand désert de ceux du nord, et qui va d’Hérat à la rive sud de la Mer-Caspienne. Là se dressent les sommets neigeux des monts Elburdj, qui commandent d’un côté à la mer, de l’autre à la solitude stérile. Le seul chemin que puissent prendre les migrations successives, c’est la mince langue de terre qui s’étend entre ces montagnes et la mer, et qui débouche, de l’autre côté, au pied du