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lever sur laquelle nous ne pensons pas pouvoir garder le silence : c’est la question polonaise. La phrase consacrée à la Pologne est malheureuse. Le rédacteur de l’adresse a été évidemment mal inspiré lorsqu’il a fait suivre un mot de sympathie accordé à la Pologne par une sorte de protestation en faveur du maintien des bonnes relations avec la Russie. Après ce qui s’est passé depuis un an, après la part active, pour ne pas dire l’initiative prise par le gouvernement dans la négociation relative à la Pologne, l’ordre dans lequel le projet d’adresse par le de la Pologne et de la Russie est évidemment un contre-sens. Il fallait que le souvenir reconnaissant accordé aux services diplomatiques que la Russie a pu nous rendre à une autre époque eût pour contre-poids et correctif final une réclamation en faveur des droits de la Pologne. On a été universellement choqué de voir dans le projet d’adresse nos sympathies pour la Pologne subordonnées au contraire à la conservation de l’alliance russe.

Cette forme de rédaction ne répond ni à la politique suivie depuis un an par le gouvernement, ni au discours de l’empereur ; il ne nous semble pas possible qu’elle ne soit pas modifiée. Quant à la question polonaise elle-même, elle a déjà donné lieu, entre des membres de l’opposition, à des escarmouches qui ne nous paraissent pas avoir eu de prétextes sérieux. Dans la forme où elle se présente aujourd’hui, la question polonaise ne devrait pas faire éclater de division dans les rangs de l’opposition. Il ne faut pas oublier que la direction et la responsabilité de la politique étrangère appartiennent au gouvernement et non à l’assemblée représentative. Cette distinction doit surtout être présente à l’esprit des députés quand il s’agit d’une question étrangère qui peut impliquer une question de guerre. Des députés ne peuvent pas vouloir et demander la guerre quand même ; c’est pourtant ce qu’ils feraient dans la circonstance présente, si, le gouvernement n’ayant pas la volonté et ne présentant pas la proposition de faire la guerre pour la Pologne, ils se déclaraient partisans d’une politique belliqueuse dont les moyens, la direction et la responsabilité échappent à leur compétence. Pour notre compte, nous croyons qu’une guerre entreprise pour porter secours à la Pologne et l’aider à repousser l’envahisseur étranger eût offert moins de difficultés que beaucoup de personnes ne l’imaginent ; nous croyons que la Pologne détruite par une coalition spoliatrice pourrait être rétablie par une coalition généreuse. La solution de cette question dépend donc d’une série de combinaisons diplomatiques, territoriales et militaires, qui sont exclusivement du ressort du gouvernement. La diplomatie du gouvernement dans les affaire de Pologne a-t-elle été assez active, assez décidée, assez habile ? Voilà la seule question qui se pose aujourd’hui devant le corps législatif, et cette question n’a rien qui puisse diviser l’opposition. Après l’examen de la politique du gouvernement à l’égard de la Pologne, il reste à l’opposition un devoir qui. ne peut la trouver qu’unanime, c’est le devoir d’affirmer le droit des Polonais en des termes non