Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/497

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA

COLÈRE DE SAMSON[1]


Le désert est muet, la tente est solitaire.
Quel pasteur courageux la dressa sur la terre
Du sable et des lions ? — La nuit n’a pas calmé
La fournaise du jour dont l’air est enflammé.
Un vent léger s’élève à l’horizon et ride
Les flots de la poussière ainsi qu’un lac limpide.
Le lin blanc de la tente est bercé mollement ;
L’œuf d’autruche, allumé, veille paisiblement,
Des voyageurs voilés intérieure étoile,
Et jette longuement deux ombres sur la toile.

L’une est grande et superbe, et l’autre est à ses pieds :
C’est Dalila l’esclave, et ses bras sont liés
Aux genoux réunis du maître jeune et grave
Dont la force divine obéit à l’esclave.
Comme un doux léopard, elle est souple et répand
Ses cheveux dénoués aux pieds de son amant.
Ses grands yeux, entr’ouverts comme s’ouvre l’amande.
Sont brûlans du plaisir que son regard demande.
Et jettent par éclats leurs mobiles lueurs.
Ses bras fins tout mouillés de tièdes sueurs,

  1. Le recueil d’œuvres posthumes auquel appartient la Colère de Samson ne tardera pas à être publié à la librairie Michel Lévy. Les lecteurs de la Revue connaissent déjà quelques-uns des poèmes philosophiques qui trouveront place dans ce volume, digne complément de l’ensemble d’œuvres délicates et fortes que les Poèmes antiques et modernes avaient commencé.