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tous les symptômes d’une de ces effervescences malsaines produites, non point par le seul essor d’un sentiment national pur et avouable, mais par plusieurs causes morbides, dont chacune a apporté son élément de désordre. Une telle effervescence peut effacer momentanément chez un peuple le souvenir des traités conclus en son propre nom ; mais dans le cas présent surtout un tel oubli serait impardonnable de la part des souverains de l’Allemagne. De ce que les traités de 1815 sont en partie déchirés, il ne faut pas conclure à la nullité d’un traité de 1852 ; ce serait aller trop vite en affaires. Pour M. le duc d’Augustenbourg, ses théories et ses démonstrations, qui n’auraient dû jamais revivre et auxquelles l’agitation de l’Allemagne a seule donné le droit d’être comptées pour quelque chose, ont de quoi causer un grand étonnement. La facilité même d’une réfutation complète à leur opposer permettait de penser que le danger du premier moment, s’il n’amenait pas de violence irréparable, trouverait son contre-poids, d’abord dans la conduite réfléchie des cours allemandes, ensuite dans l’intervention diplomatique des puissances occidentales, intéressées à ce qu’on ne violât pas des stipulations dont elles avaient été cosignataires, et se présentant d’ailleurs comme amies des deux parties. Or voici ce que la réflexion a conseillé aux deux grandes cours allemandes : pendant que les petits souverains de la confédération reconnaissaient M. le duc d’Augustenbourg comme héritier légitime des duchés et que la diète de Francfort suspendait la voix du Holstein, elles ont déclaré qu’elles se reconnaissaient obligées par le traité de Londres du 8 mai 1852, à la condition toutefois que le gouvernement du Danemark eût rempli certaines promesses par lui consenties dans les négociations avec l’Allemagne. En réalité, par cette déclaration les cabinets de Vienne et de Berlin ont mêlé deux questions qui n’ont aucune relation entre elles, la question tout européenne de la succession dans la monarchie danoise, et la question tout allemande de la constitution et du gouvernement de ces duchés dans l’intérieur de la même monarchie.

Dès le commencement de son règne, Frédéric VII, n’ayant pas d’enfans après trois mariages, et prévoyant l’extinction prochaine de la descendance mâle d’Oldenbourg, avait résolu de régler, d’accord avec les grandes puissances européennes, la question de succession, afin de prévenir les prétentions, incertaines ou fondées, que plusieurs maisons princières pourraient élever sur certaines parties de la monarchie. Il suffit, pour savoir avec quelle équité et quelle sollicitude cet arrangement a été conclu, de considérer la longue série des actes officiels qui l’ont eu pour objet. La princesse Louise, épouse du prince Christian de Glücksbourg, aujourd’hui Christian IX, réunissant le plus de droits héréditaires, grâce aux