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il ne reste plus qu’à lui appliquer ses conséquences naturelles. La France serait replacée demain sous le régime parlementaire, qu’avec une chambre élective dont aucun membre, ne saurait être admis désormais à profiter de la fortune politique des chefs d’opinion, on n’aurait rien à redouter des manœuvres clandestines dont ce régime porte encore la peine. Il n’est pas indispensable, malgré un usage à peu près général, que les ministres admis à défendre eux-mêmes leur administration devant les chambres soient membres de ces assemblées; il est moins nécessaire encore qu’ils y exercent une action directe et personnelle. On comprend un système qui, pour rendre au corps législatif le caractère d’un grand jury national qu’avait entendu lui attribuer la constitution de l’an VIII, ne laisse arriver devant lui que des ministres étrangers à cette assemblée, car les débats peuvent en effet gagner ainsi en solidité ce qu’ils perdent en dramatique intérêt; mais ce système-là n’interdit point de réclamer pour les dépositaires du pouvoir le respect toujours assuré à qui s’inspire de sa propre pensée et ne défend que ses propres actes. Les principes consignés dans la constitution de 1852 faciliteraient d’ailleurs des combinaisons qui, si l’on ne reculait pas devant ce qu’elles ont de nouveau, ne profiteraient probablement pas moins au pouvoir qu’à la liberté. A quelle autorité morale, par exemple, n’atteindrait point le sénat, ressort principal des institutions actuelles, si au droit souverain d’interpréter et de modifier celles-ci venaient se joindre un jour des prérogatives nouvelles; si, sans retrouver le trop fameux droit d’absorption, il obtenait celui d’agir, dans une certaine mesure, sur son organisation au même titre que l’Institut et toutes les grandes corporations indépendantes! On se plaint amèrement des vains efforts tentés par la démocratie, à l’origine de la révolution française, pour se donner une organisation quelque peu durable, et cependant, chaque fois qu’il se produit une idée dont l’infaillible effet serait d’imprimer au mécanisme constitutionnel une énergie incontestable, on la repousse sans discussion, dans l’intérêt du pouvoir, en se préoccupant bien moins des services qu’elle aurait à lui rendre que des obstacles qu’elle pourrait parfois lui susciter. Il ne serait peut-être pas plus impossible d’organiser de notre temps la démocratie par l’élection graduée qu’il ne l’a été, voici dix siècles, de discipliner la force territoriale et militaire par la vassalité féodale. C’est le problème qu’il faut bien accepter, puisqu’il est aujourd’hui posé pour toute l’Europe. Il s’agit moins de proclamer des institutions libérales que d’appuyer celles-ci sur une nouvelle organisation administrative et politique conforme à l’essence de la démocratie moderne. Cette œuvre n’a guère rencontré jusqu’à présent que des ouvriers timides ou malheureux. Ce n’est