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selon les terrains et selon la nature des travaux. On voit par là que la vie du tributer est exposée à bien des désenchantemens, souvent même à des revers qui engloutissent son travail et ses petites économies. Et pourtant sa situation, comparée à celle des autres mineurs, a quelque chose de princier (princely tributer). Il se trouve associé dans une certaine proportion aux bénéfices de la mine, il est son maître, et si, tout compte fait, il ne gagne guère plus qu’un autre, il accroît par ce mode de rémunération libre ce que l’homme met avec raison bien au-dessus des gros profits, — la dignité. Malheureusement les entrepreneurs des mines n’utilisent guère les tributers que dans les mauvais filons ; ils font exploiter les meilleurs par des ouvriers à la tâche.

Les travaux de surface (ground works) présentent un caractère tout différent de ceux qui s’accomplissent dans l’intérieur de la mine. Il s’agit maintenant de préparer pour le commerce le minerai arraché aux entrailles de la terre. Si ce minerai est du cuivre, et s’il est riche en métal, les travaux se trouvent très simplifiés ; si au contraire c’est à l’étain que nous avons affaire, il faut le dégager à travers une série d’opérations. Dans les deux cas, la main-d’œuvre est confiée aux femmes et aux enfans. Ces ouvrages s’accomplissent moitié en plein air et moitié dans de grands hangars de bois (sheds) qu’il est curieux de visiter. Les procédés différens et successifs se réduisent d’ailleurs à casser, à broyer, à laver et à brûler le minerai[1]. Le minerai est cassé à l’aide de marteaux par des femmes, ou, s’il se montre trop dur, par des hommes. Les femmes se distinguent surtout par une coiffure particulière : un fond de carton recouvert d’une pièce de calicot à dessins et à couleurs variés, maintenu autour de la tête par des rubans, tandis que de grandes ailes tombent et flottent autour de la figure. Un tel appareil de toilette remplit à la fois le rôle d’un chapeau, d’un bonnet et d’un voile ; il protège merveilleusement le visage contre le soleil, et les filles des mines tiennent beaucoup à conserver la fraîcheur de leur teint. Le second procédé, le broyage du minerai, est accompli par une machine (stamping machine). De lourdes poutres perpendiculaires à tête carrée, qui se succèdent sur une même ligne comme des tuyaux d’orgue, tombent l’une après l’autre avec une force énorme, et pulvérisent l’étain mêlé à la roche. Le bruit de cette machine est assourdissant. Dans les mines situées sur le bord de la mer, c’est le seul qui puisse lutter avec la voix des grandes eaux. Le minerai est maintenant de la poudre ; mais il s’en faut de beaucoup que cette poudre soit pure. Pour séparer l’étain de la poussière humide des

  1. On se fera une idée de la quantité de matières étrangères qui se trouvent d’abord associées à l’étain, quand on saura que le minerai ne donne guère en métal que 1 1/2 pour 100.