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possible la perte de la couronne d’Espagne par la maison de Bourbon, d’avoir compromis une des plus grandes œuvres de l’ancienne monarchie. M. le duc de Broglie, directement atteint par ces critiques, prit la parole pour y répondre. Il démontra que la loi salique n’avait, à proprement parler, jamais existé en Espagne, et que la succession des femmes était le droit ancien et national de ce pays. Philippe V avait essayé de changer la loi fondamentale; mais un acte solennel des cortès avait aboli en 1789 la pragmatique de Philippe V, et cet acte, qui avait près de cinquante ans d’existence, venait d’être confirmé par le testament de Ferdinand VII. Le droit ne pouvait donc faire l’objet d’un doute. L’intérêt qu’avait la France constitutionnelle à soutenir en Espagne et en Portugal les gouvernemens libres qui succédaient aux monarchies absolues du passé ne pouvait davantage être contesté. Rien ne prouvait d’ailleurs que l’avènement de la reine Isabelle dut faire sortir la couronne d’Espagne de la maison de Bourbon; le mariage de cette reine, dix ans après, a montré au contraire qu’on pouvait y trouver l’occasion de fortifier l’œuvre de Louis XIV.

Un autre jour, il eut à justifier sa conduite envers le gouvernement pontifical. Le ministère de Casimir Perier, pour s’interposer entre les troupes autrichiennes et les habitans révoltés des Légations, avait mis garnison dans la citadelle d’Ancône. Plusieurs fois pressé par le saint-siège de mettre un terme à cette occupation, le ministère du 11 octobre s’y était constamment refusé. Le cabinet présidé par M. le comte Molé, en jugeant autrement, consentit à l’évacuation. C’était blâmer implicitement l’attitude du précédent ministère. M. le duc de Broglie la défendit. Maintenir le pouvoir temporel du pape comme la condition essentielle de l’indépendance de l’église et en même temps obtenir du saint-siège les institutions libres que réclamait l’état de la civilisation, tel est le programme que le gouvernement de 1830 n’a cessé de poursuivre malgré l’incident inutile et fâcheux de l’évacuation d’Ancône. Cette politique aurait certainement réussi sans les révolutions de 1848 ; elle avait fait un grand pas à l’avènement de Pie IX, sous les auspices d’un ami de M. le duc de Broglie, l’illustre Rossi. On peut juger par ce discours du langage que tenaient alors à la cour de Rome les ministres français. L’administration des États-Romains y est traitée avec une grande sévérité, et jusqu’à Pie IX, cette sévérité n’était que justice. Plus on reconnaissait la nécessité du gouvernement pontifical, plus on avait à cœur de lui dire la vérité. Il n’y a pas en Europe de gouvernement qui ait plus perdu à la chute de la monarchie constitutionnelle.