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rieuse fédération, ou bien seulement y maintenir, en le modifiant de nom et de forme, le système des confédérations? Système inutile ou dangereux lorsque la confédération, au lieu d’être une simple alliance temporaire, prétend être permanente et doit répondre à un besoin d’union naturel et durable; inutile lorsque les états sont constitués de manière à pouvoir vivre indépendans, dangereux lorsqu’ils ne le sont pas et que l’organisation centrale est la base de la société politique. C’est la même question qui se pose en Amérique entre le fédéralisme et les state-rights.

Si le nouveau système est jamais mis en pratique, au bout de peu de temps on n’en mesurera la valeur que par les attributions du pouvoir central. S’il a des finances indépendantes, car c’est toujours là le point vital, s’il a une armée régulière, si son autorité est étendue à un certain nombre de cas et si elle est supérieure dans sa sphère à toute autre, si en un mot il est formé, non par la délégation d’états demeurés en tout souverains, mais bien par l’abdication entre ses mains d’une partie de la souveraineté de ces états, alors la nation allemande y verra une représentation sérieuse de son unité, alors le pouvoir exécutif se centralisera naturellement, alors aussi l’élément populaire sera bien sûr d’y trouver tôt ou tard la place qu’il mérite, et enfin la cour suprême et les réformes douanières auront une utilité réelle. Sans cela, la réunion de Francfort ne servira qu’à frayer le chemin à une révolution politique plus fatale au système existant et à l’autorité des princes, parce qu’elle sera faite en dehors d’eux, malgré eux et contre eux.

On voit que si la question de la réforme fédérale en Allemagne se pose d’une façon très grave, elle ne se présente pas avec l’apparence d’une solution facile et prompte. Il serait donc inopportun de témoigner d’une susceptibilité ombrageuse à l’égard de la réunion de Francfort. Indépendamment de la réforme fédérale considérée en elle-même, il y a lieu, nous le savons, de prendre garde à l’influence que l’initiative de l’empereur François-Joseph peut avoir sur le rôle européen de l’Autriche. Cette puissance n’a-t-elle annoncé si haut son entente avec la France dans la question polonaise que pour nous retenir et dans la crainte de nous voir agir seuls? Il y a dans le parti libéral allemand une profonde antipathie contre la Russie; l’Autriche n’a-t-elle voulu qu’exploiter à son profit cette antipathie, se servir des souffrances des Polonais et de l’impopularité de l’alliance que Berlin a contractée avec Pétersbourg pour supplanter la Prusse en Allemagne? Ce serait ce côté de la politique européenne de l’Autriche plutôt que l’œuvre de la régénération fédérale de l’Allemagne qui demanderait à être surveillé par la France.

Au surplus, ce n’est pas sans un sentiment morose que nous parcourons du regard le chaos de la politique étrangère. On ne voit partout que des situations précaires et les symptômes d’un universel malaise. La France est forte sans contredit, elle est redoutée; mais la crainte qu’elle inspire suffit-elle à lui donner à elle-même une véritable sécurité? Il serait sage peut--