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Deux autres établissemens méritent aussi de fixer l’attention : le muséum et le jardin botanique. Bien des capitales de l’Europe envieraient ce muséum, et cependant il est loin de répondre encore aux richesses du pays et à la curiosité des étrangers. Ce n’est pas chose facile que de réunir une collection complète des armes, des costumes, des ornemens, des ustensiles dont se servaient les tribus indiennes avant l’arrivée des flottes portugaises, des spécimens de tous les animaux sauvages qui peuplent les forêts américaines, et des échantillons des diverses variétés de diamans et de pierres précieuses, des quartz aurifères et des autres minerais que recèle le sol de cet immense empire. Ajoutons que le premier fondateur du muséum est le baron d’Uba, dont le nom est si cher aux savans et aux artistes qui ont visité ce pays.

C’est au roi de Portugal dom João VI qu’est due la création du jardin botanique. Ce pauvre prince cherchait à tromper les heures de son long exil en surveillant et en hâtant les progrès de cette magnifique plantation, située à quelques kilomètres de la ville. Un omnibus en fait régulièrement le service. L’entrée est imposante et répond pleinement à la majestueuse grandeur des forêts qui l’entourent. C’est une allée immense, bordée de palmiers gigantesques dont les stipes semblent porter dans les nues leurs éventails de feuillage et leurs grappes de fruits. Dans les allées latérales se trouvent toutes les plantes des tropiques, remarquables par leur beauté ou par les produits qu’on en retire, camélias, arbres à thé, arbres à cacao, poivriers, muscadiers, vanille, quinquinas, bananiers, cocotiers, lianes, orchidées, etc. Certains arbres portent des fruits d’une grosseur extraordinaire. Il est heureux que notre La Fontaine n’ait pas connu ce jardin. À la vue des noix de cocos énormes, des calebasses encore plus gigantesques se balançant fièrement dans les airs au souffle de la brise de l’Océan et menaçant la tête des promeneurs, Garo n’aurait pu faire ses réflexions philosophiques sur le gland du chêne, et nous serions privés d’une des plus charmantes fables de l’immortel conteur.

Le palais de l’empereur offre l’aspect d’une caserne ou d’un hôpital. Tel est du moins l’effet qu’il produit sur les étrangers qui n’en connaissent pas la destination. C’est l’ancienne demeure des vice-rois de Rio-Janeiro, et la famille impériale n’y séjourne guère : elle passe l’été dans la charmante villa de Pétropolis, sur les collines qui entourent la baie, et l’hiver dans la magnifique résidence de Saint-Christophe, à quelques kilomètres de la capitale. L’empereur ne visite la cidade que dans les occasions solennelles. C’est un homme de haute taille et de fort belle apparence. Allemand par sa mère, une archiduchesse d’Autriche, il n’a rien dans la physionomie qui rappelle