Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mis à dessiner et à peindre à l’âge où d’ordinaire on apprend à lire. Avant quinze ans, il avait acquis déjà une expérience du métier, sinon de l’art, assez sûre pour que les marchands et les libraires ne dédaignassent pas de s’adresser à lui et de lui commander, soit quelque tableau dont ils fixaient le prix à vingt francs, il est vrai, soit des vignettes destinées au Journal des Modes ou à des billets d’invitation. Tout cela pouvait n’être pas encore très significatif; mais lorsqu’après quelques années passées sous la discipline du peintre d’histoire Vincent, l’enfant, devenu jeune homme, se fut produit sur un plus vaste théâtre et devant des juges moins favorablement prévenus, il fallut bien reconnaître que cette vocation était réelle, ce commencement d’habileté assez voisin déjà du talent.

Cinq tableaux qu’Horace Vernet, alors âgé de vingt-trois ans, avait exposés au salon de 1812 annonçaient en effet quelque chose de plus qu’une simple imitation de la manière de Carle. Malgré l’analogie des sujets avec les sujets que traitait ordinairement celui-ci, — il s’agissait, outre la Prise du camp retranché de Glatz en Silésie, du Portrait d’un jeune militaire, d’un Intérieur d’écurie cosaque, d’un Intérieur d’écurie polonaise et de je ne sais quelle écurie encore, le tout en regard d’une Charge de cavalerie, de Chevaux dans un haras, et d’autres scènes du même genre peintes par Carle, — malgré même une certaine inconsistance dans le modelé et dans le ton, empruntée à de fâcheuses traditions de famille, ces tableaux révélaient assez d’originalité et de verve sincère pour qu’on n’hésitât pas à saluer dans le nouveau-venu une des espérances de l’école. Au salon suivant (1814), autre Jeune militaire, garde d’honneur cette fois, autre Ecurie polonaise; rien par conséquent qui démente les tentatives précédentes ni la bonne opinion qu’elles avaient fait naître, rien non plus qui permette de constater, de pressentir même un progrès parfaitement concluant. Ce n’est que lorsque trois ans se seront écoulés, et plus décidément encore après le salon de 1819, que le talent d’Horace Vernet aura pleinement achevé de donner sa mesure et que le nom du peintre de la Mort de Poniatowski, du Massacre des mamelucks, du Grenadier français sur le champ de bataille, du Cheval du trompette, de vingt autres toiles consacrées par le succès, aura conquis, pour ne plus la perdre, une immense popularité : succès d’autant plus ardent, popularité d’autant plus sûre que la réputation d’un homme et l’honneur de notre école n’y étaient pas seuls intéressés. En applaudissant à l’habileté