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pas seulement sur un acte de souveraineté nationale qui lui imprime le caractère du droit; elle se corrobore des combinaisons territoriales qui sont venues s’y mêler, de la reconnaissance de presque toute l’Europe, qui en est la légalisation diplomatique, de tout ce qui fait de ce mot d’Italie le signe d’une puissance régulière assez forte pour en imposer à beaucoup d’ennemis, et même pour contenir de trop ardens amis. Cette puissance nouvelle, l’unité, l’Italie, on peut la contester, lui faire la guerre directement ou indirectement, par une attitude passivement menaçante, comme l’Autriche, par une mauvaise humeur tenace et vaine, comme l’Espagne, par toutes ces velléités de réaction qui s’unissent dans un même effort; elle n’existe pas moins, elle a sa dynastie, son gouvernement, son armée, sa diplomatie, ses lois, ses hommes d’état. Quelles sont donc les difficultés qu’elle rencontre, difficultés réelles et grandes encore, il est vrai, mais que l’esprit de parti grossit pour en faire des impossibilités? Elles sont tout à la fois intérieures, diplomatiques, religieuses, et si je voulais. les résumer dans une expression plus sensible, je dirais qu’elles sont, quoique d’une façon inégale, à Naples, de ce côté des Alpes et à Rome, sans compter Venise, dont la délivrance à l’heure voulue eût été peut-être la grande et souveraine solution. C’est bien là, si je ne me trompe, la question dans toute sa complexité. Raisonnons donc.

Quand on parle légèrement de cette révolution d’Italie conduite avec un mélange d’audace et d’habile sagacité, quand on affecte de la représenter comme une œuvre de bouleversement, d’ambition et de conquête, lorsqu’on accumule les injustices contre le Piémont parce qu’il a été le nerf de cette transformation, et lorsqu’enfin on cherche à passionner la France, par des motifs de politique ou de religion, contre quelques-unes des conséquences de son propre ouvrage, que veut-on dire? On oublie trois ou quatre choses de premier ordre, la nature et l’origine de ce mouvement, la manière dont il s’est accompli, ce que la France représente dans le monde, ce que peut être l’action religieuse dans notre temps, au sein des sociétés modernes. Si l’unité, à son apparition récente en Italie, n’eût été que l’utopie ambitieuse, le rêve enflammé de quelques conspirateurs, elle serait déjà morte, ou, pour mieux dire, elle n’aurait pas vécu; elle serait restée dans les limbes des méditations confuses des sectaires. Ce qui fait au contraire son originalité contemporaine et sa force, c’est qu’elle est l’expression naturelle et pratique d’une situation irrésistible, c’est qu’elle apparaît avec ce caractère rigoureux des combinaisons qui sont le produit des événemens encore plus que des théories, c’est qu’en un mot elle a éclaté comme une nécessité imprévue, précipitée peut-être, mais impérieuse. A dire