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genres ou à l’action asphyxiante du dissolvant : on sait que ce liquide, très volatil, qui bout à 48 degrés, émet des vapeurs à toutes les températures atmosphériques, et qu’il expose d’ailleurs, par son inflammabilité toujours imminente, à de grands dangers d’incendie. Il est sans doute inutile d’ajouter que les produits de la combustion du sulfure de carbone dans l’air y introduisent ou y laissent plusieurs gaz vénéneux ou irrespirables, l’acide sulfureux, l’acide carbonique, l’azote et parfois l’oxyde de carbone, pour démontrer tout l’intérêt qui devait s’attacher à la suppression de cet agent chimique et à la substitution d’un réactif bien moins dangereux dans l’industrie du raffinage de la paraffine. Tel fut précisément le but atteint par M. Cogniet, lorsqu’il parvint à remplacer le sulfure de carbone par les hydrocarbures légers obtenus dans les premiers produits de la rectification des huiles de petroleum[1]. La fabrique de MM. Cogniet et Maréchal est organisée de façon, à livrer 5 ou 600 kilos de paraffine chaque jour. L’industrie stéarique peut donc tirer parti de cette innovation, qui se rattache encore indirectement aux applications de la chimie à l’agriculture. Il semble, à première vue, qu’on n’en puisse dire autant d’un autre genre de fabrication, celui des bougies dites diaphanes. Ici encore pourtant l’intérêt agricole est en jeu, puisqu’il s’agit soit d’une concurrence, soit d’une aide apportée à l’industrie stéarique. La bougie diaphane, formée de cétine vulgairement appelée blanc de baleine, bien que la baleine n’en fournisse pas, est obtenue en éliminant la substance huileuse et en soumettant à une clarification attentive la portion solide de la matière grasse sécrétée dans une cavité crânienne au-dessus du cerveau des cachalots. Cette extraction, depuis longtemps pratiquée en France par M. Lajonkaire, est exploitée aujourd’hui par MM. Cogniet et Maréchal ; elle constitue en Angleterre une importante industrie qui tient engagés de grands capitaux.

Les agriculteurs et les économistes se sont tour à tour alarmés ou réjouis des changemens nombreux accomplis depuis cinquante ans dans les diverses industries qui demandent des moyens d’éclairage au travail agricole[2]. Les derniers progrès constatés à l’exposition

  1. M. Garreau, professeur de physiologie, a proposé une application utile du sulfure de carbone pour la destruction des insectes dans l’emmagasinage des grains, et M. Doyère a réalisé en grand cette pensée dans son système de conservation des blés en silos souterrains doublés de tôle enduite de bitume.
  2. On aurait pu craindre par exemple que le développement des plantations de conifères, notamment des pins maritimes, ne fût entravé par la concurrence que font à un de leurs produits principaux, à l’essence de térébenthine, les composés liquides incolores, très volatils, extraits des goudrons de houille et des huiles minérales de schiste et de petroleum ; mais voilà qu’en dépit de cette large concurrence le cours de l’essence de térébenthine s’élève assez rapidement. Il ne faut pas s’en étonner : toutes les applications se sont multipliées à mesure que les moyens d’y satisfaire se développaient ; cette fois encore d’ailleurs les progrès de la consommation dépassaient ceux de la production. On sait que diverses innovations contemporaines ont offert d’importans débouchés aux bois résineux. Citons d’abord l’établissement des lignes télégraphiques, qui emploient un si grand nombre de poteaux pour suspendre les fils métalliques, puis l’application des pins écorcés pour le chauffage des fours, la préparation au sulfate de cuivre de ces bois employés dans les constructions et pour former des traverses de chemins de fer. La crise américaine, en diminuant l’exportation des bois du Nouveau-Monde en Angleterre, est venue elle-même ouvrir aux produits résineux des landes voisines de Bordeaux un débouché considérable. On exporte aujourd’hui en Écosse, pour le fonçage des puits de mines, de jeunes pins extraits de nos grandes plantations, et on introduit en retour des chargemens de houille. Les terres comprises entre la mer et les vallées de l’Adour et de la Garonne cessent ainsi d’être improductives ; elles se couvrent de cultures diverses, et principalement d’essences forestières parmi lesquelles le pin maritime occupe le premier rang. Après sept ans de semis, les jeunes pins fournissent en échalas pour les vignobles un produit de 15 à 18 fr. par hectare ; — de 10 à 11 ans, on en retire des poteaux de mines ; de 12 à 20, des poteaux télégraphiques. Après 30 ans de semis, une superficie d’un hectare peut contenir deux cents arbres produisant chacun, par la résine qui s’en écoule et qu’on recueille, un revenu annuel de 40 fr.