Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée


ANTONIA

DEUXIÈME PARTIE[1].


Marcel, voyant que la vanité horticole reprenait le dessus et pensant qu’il pourrait exploiter la joie de son oncle au profit de ses protégés, donna les plus grands éloges à la future Antonia. — Vous comptez sans doute en faire hommage au Jardin du Roi ? lui dit-il. Messieurs les savans doivent vous tenir en grande estime !

— Oh ! pour celle-ci, bernique, répondit M. Antoine : ils pourront la regarder tout leur soûl, la décrire dans leur beau langage, la spécifiquer, comme ils disent ; mais l’exemplaire est unique, et je ne m’en séparerai point avant que j’aie beaucoup de caïeux.

— Mais si elle meurt sans se reproduire ?

— Eh bien ! mon nom vivra dans les catalogues !

— Ce n’est point assez ! À votre place, en cas d’accident, je la ferais peindre.

— Comment peindre ? est-ce qu’on peint les fleurs à présent ? Ah ! j’entends, tu veux dire que je devrais la faire tirer en portrait ? J’ai bien songé à ça pour d’autres plantes rares ; mais j’étais brouillé aec mon frère, et quand j’ai fait travailler d’autres peintres, je n’ai jamais été content de leur barbouillage de fous. J’ai payé cher, et après j’ai crevé la toile ou déchiré le papier.

— Et vous n’avez jamais pensé à Julien ?

— Bah ! Julien ! un apprenti !

— Avez-vous vu quelque chose de sa façon ?

— Ma foi, non, rien !

— Voulez-vous que je vous apporte…

— Non, rien, je te dis. Nous sommes brouillés.

  1. Voyez la Revue du 15 octobre.