Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/757

Cette page n’a pas encore été corrigée


ANTONIA

À M. EDOUARD RODRIGUES.

À vous qui adoptez les orphelins, et qui faites le bien tout simplement, à deux mains et à livre ouvert, comme vous lisez Mozart et Beethoven.

George Sand.


PREMIÈRE PARTIE.


C’était au mois d’avril 1785, et c’était à Paris, où, cette année-là, le printemps était un vrai printemps. Le jardin était en fête, les gazons s’émaillaient de marguerites, les oiseaux chantaient, et les lilas poussaient si dru et si près de la fenêtre de Julien que leurs thyrses fleuris entraient jusque chez lui et semaient de leurs petites croix violettes le pavage à grands carreaux blancs de son atelier.

Julien Thierry était peintre de fleurs, comme son père André Thierry, très renommé sous Louis XV dans l’art de décorer les dessus de porte, les panneaux de salle à manger et les plafonds de boudoir. Ces ornementations galantes constituaient, sous ses mains habiles, de véritables objets d’art sérieux, si bien que l’artisan était devenu artiste, fort prisé des gens de goût, grassement payé et fort considéré dans le monde. Julien, son élève, avait restreint son genre à la peinture sur toile. La mode de son temps excluait les folles et charmantes décorations du style Pompadour. Le style Louis XVI, plus sévère, ne semait plus les fleurs sur les plafonds et les murailles, il les encadrait. Julien faisait donc des cadres de fleurs et de fruits dans le genre de Mignon, des coquilles de nacre, des papillons dia-