Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/508

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut possible de le faire passer outre. Le comte d’Arundel demeura très mécontent de ce procédé, et le lendemain, pour se revancher du tort qu’on lui avait fait, étant venu pour trouver le maréchal afin de le mener en sa barge, il ne voulut pas monter en haut et se contenta d’envoyer le maître des cérémonies l’avertir qu’il l’attendait en bas, ce qui le fit aussitôt descendre et monter en barge. Le maréchal se mit en haut du siège, le comte de Tillières à la main droite et le comte d’Arundel à la gauche. En cet état, ils arrivèrent à Somerset-House, où le comte d’Arundel usa d’une autre revanche, car il laissa le maréchal au pied de l’escalier sans le mener jusqu’à sa chambre, ainsi qu’il y était obligé, et il s’en alla de ce pas se plaindre au roi du procédé de M. le maréchal en son endroit. »

Ce fut pendant toute la durée, d’ailleurs fort courte, de l’ambassade, et pour les compagnons du maréchal de Cadenet comme pour lui-même, une série de mésaventures et de déplaisirs semblables. Dès sa première audience, ses manières un peu avantageuses et légères déplurent au roi Jacques. « Que pensez-vous de ce nouvel ambassadeur français? demanda le roi au chancelier Bacon. — C’est un grand et bel homme, répondit le chancelier. — Oui, reprit le roi, mais que pensez-vous de sa tête et de son air? — Sire, dit Bacon, les hommes de grande taille sont souvent comme les maisons hautes de quatre ou cinq étages, où l’étage le plus élevé est d’ordinaire le plus mal meublé. » Le comte de Tillières, dans ses mémoires, ne manque pas de faire ressortir les fautes et le peu de succès du maréchal. S’il était seul à les raconter, il y aurait lieu de s’en méfier, car il avait lui-même beaucoup d’humeur, mais les récits des spectateurs anglais sont d’accord avec les siens; le roi Jacques avait alors parmi ses courtisans un homme d’esprit que j’ai déjà eu occasion de nommer, sir John Finett, Italien d’origine, grand faiseur de chansons dont le roi s’amusait, et très versé dans les questions de formes et de cérémonies diplomatiques, où il était souvent employé. On a de lui un ouvrage intitulé : Le Philoxène de Finette choix d’observations sur la réception, la préséance, le traitement et les audiences, les contestations et les pointilleries des ambassadeurs étrangers en Angleterre. Il y raconte en ces termes le dîner et le bal que donna le roi Jacques au maréchal de Cadenet et à son ambassade : » Le mercredi 3 (13) janvier, l’ambassadeur fut invité à dîner avec le roi à Westminster; le roi, venu par eau, l’attendit plus d’une heure avec beaucoup d’impatience, et pour cause ; le premier service était déjà sur la table. Arrivé enfin, l’ambassadeur entra avec toute sa suite dans la chambre haute du parlement où l’en dînait, et ils remplirent tellement la salle, déjà encombrée d’une multitude d’intrus, qu’aucun officier ne put faire librement son service jusqu’à ce que le roi se fût assis pour dîner. L’ambassadeur extraordinaire était à