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mitables porcelaines, de ses peintures, de ses éventails, de ses baignoires de porphyre, de ses pagodes d’or et de porcelaine, de ses ivoires fouillés et évidés avec tout l’art du sculpteur, de ses dentelles brodées qui réclament une patience chinoise, et de ses vases ventrus comme des mandarins lettrés. La dernière guerre, qui a porté les armes de la France et de la Grande-Bretagne jusque dans la capitale du Céleste-Empire, a aussi doté l’exposition de quelques riches dépouilles : un écran sculpté qui se dressait derrière le trône de l’empereur, des bassins et des vases énormes pris au Palais d’Été. Un objet dans cette riche collection a surtout piqué ma curiosité, c’est un crâne humain monté en or, et qu’on dit être celui de Confucius. Soyez donc le plus ancien des philosophes, le soleil du plus grand empire de la terre, presque un dieu, pour vous trouver un jour exposé à Londres comme un objet d’industrie ! La race japonaise présente avec la race chinoise des traits de famille qui se retrouvent dans les produits des deux nations. C’est toujours, à côté de détails empreints d’une grande habileté, une sorte d’enfantillage dans la vieillesse, un art de convention qui tourne éternellement dans le même cercle de pratiques, une sorte de fidélité superstitieuse envers les usages et les moules dans lesquels se trouve fixée toute cette industrie, d’ailleurs fort remarquable. Le Japon semble néanmoins surpasser la Chine dans le développement des manufactures et des procédés de la science. Parmi les objets qui peuvent donner une idée de cette contrée si peu connue, je citerai une encyclopédie écrite dans la langue nationale, différens spécimens d’ouvrages illustrés sur l’histoire naturelle et la chimie, un cadran solaire, un thermomètre, un télescope, une grande variété de papiers dont quelques-uns sont des imitations de cuir, des étoffes de soie, des cocons recueillis dans toutes les provinces, des ouvrages de tapisserie, un câble fait avec des cheveux d’homme, des blocs de lave qui viennent du volcan de Fusijama, des spécimens de charbon de terre et d’autres métaux, des collections de papillons, enfin des exemplaires de cette légère porcelaine connue sous le nom de coquille d’œuf (egg-shell), et qui a jusqu’ici défié toute rivalité dans le monde entier[1]. Le royaume de Siam a envoyé ses nids d’hirondelles, si chers à la gastronomie mongolienne, son riz, ses teintures et les jupons de soie portés par les élégantes de Lao. Dans l’industrie de ces trois peuples, on fit les caractères d’une vraie civilisation sans doute, mais d’une civilisation arrêtée, qui ne se régénérera,

  1. L’industrie de la race jaune ne se relie pas moins que celle de la race noire au bien-être des états européens. En 1861, les Anglais ont exporté du Japon une masse de marchandises consistant surtout en matières premières, et qui s’élèvent à la somme de 538,687 liv. sterl. — 90,577,38’2 livres de thé ont été enlevées la même année par les vaisseaux anglais aux ports de la Chine et du Japon.