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« — Vraiment non, répondit Nanni,… et Dieu me préserve de jamais boire en compagnie du révérend chanoine Guidi !…

« — Je sais, moi, dit Marietta, que Sandro Boccanera n’a dit que la vérité ! Je tiens à ce que personne ici présent n’ignore que nous lui devons la vie de notre oncle !

« — Hélas ! dit à son tour le vieux chanoine, se peut-il qu’un si méchant homme soit un si excellent joueur de basse ?

« — Mais vous, vous, signore, reprit le Gobbo, s’adressant cette fois au joaillier, je tiens à savoir ce que vous croyez de tout ceci…

« — Je crois, mon cher signor Sandro, que la vérité n’est pas toujours bonne à dire. Je crois implicitement aux paroles de sa révérence le chanoine de San-Lorenzo, quand il affirme que si cette vilaine affaire était portée devant les tribunaux, vous vous en trouveriez fort mal, soit que vous ayez dit vrai, soit que vous ayez menti. Je crois qu’il eût été plus sage à vous, ayant heureusement subtilisé ce vin malfaisant, de n’en parler à qui que ce fût. Je crois enfin que nous serons bien avisés, tous tant que nous sommes, de revenir là-dessus le moins possible. »


Et le passage suivant complète la pensée de l’auteur, pensée protestante, il ne faut pas l’oublier :


« Quant au révérend Guido Guidi, son livre sur les Cas réservés reçut peu après l’approbation particulière des plus hautes autorités romaines. Ainsi que nous l’avons déjà dit, il fut promu à l’archevêché d’Hippopotamos in partibus, et devint, ainsi qu’il l’avait toujours ambitionné, le confesseur du plus grand personnage de la Toscane. Par la suite des temps, il obtint un important évêché, cette fois avec charge d’âmes, et finit par conquérir cette couronne suprême de la grandeur ecclésiastique, — un chapeau de cardinal. Dans tout le cours de cette longue carrière, dont chaque étape était marquée par une promotion nouvelle, chanoine, confesseur, évêque et membre du sacré collège, il garda la haute estime due à de pareils succès, à une prospérité si constante, approuvé de tous, admiré, respecté, envié, honoré d’un chacun. Quand il mourut, on plaça sur sa tombe un beau marbre sculpté où se lit une emphatique épitaphe, et de la haute voûte qui abrite ce marbre pend un chapeau rouge attaché à une longue corde. Telle fut sa récompense, et certes il l’avait bien méritée. »


Avec M. Noell Radeclifle, nous rentrons dans le monde anglais[1], et nous y rentrons en toute confiance, car nous devons à cet écrivain un récit dont les lecteurs de la Revue ont pu apprécier l’intérêt[2]. Nous ne dirons certes pas que nous avons été déçu, ce qui ne serait ni courtois ni juste, mais nous avouerons que le dénoûment du livre nous a plongé dans une sorte d’étonnement inquiet. Il nous

  1. Bryanston Square, by Noell Radeclifle, author of Alice Wentworth, the Lees of Blendon-Hall, Wheel within wheel, two vol. London, Hurst and Blackett, 1862.
  2. Voyez Une Parque dans la Revue du 15 novembre et du 1er décembre 1860.