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eussent confiance, le seul aussi qui persévérât dans la pensée primitive de sa mission.

Dans les premiers jours de janvier 1624, lord Bristol avec sir Walter Aston, son collègue, qui devait rester à Madrid après lui, se présenta chez le comte d’Olivarez pour lui annoncer son rappel et le prier de demander pour lui au roi Philippe IV une audience de congé. « J’ai beaucoup de choses à vous dire par ordre du roi, lui dit Olivarez. Nous avons reçu d’Angleterre de complètes informations ; nous savons que la mesure dont vous souffrez est l’œuvre de vos ennemis, et qu’ils n’ont pu vous imputer d’autre crime que votre zèle à accomplir le mariage pour lequel vous avez été envoyé ici. Le roi mon maître ne peut pas ne pas prendre cela fort à cœur ; il se tient pour obligé de déclarer au monde que vous n’avez rendu au roi de la Grande-Bretagne que d’excellens services, et pour encourager ses propres ministres et tous les autres ministres d’Europe à servir fidèlement leurs maîtres, je suis chargé de vous offrir un blanc seing de mon roi, où vous pourrez mettre, pour votre propre compte, toutes les conditions et demandes qui vous conviendront. Mon roi ne se propose point de corrompre un serviteur du roi de la Grande-Bretagne, mais de manifester hautement ce qui est dû à la conduite de votre seigneurie. Dans l’offre que je vous fais sont compris tous les domaines, toutes les dignités dont le roi mon maître peut disposer ; vous avez le choix. — J’ai un vif regret, répondit Bristol, des paroles que vous voulez bien m’adresser. Sa majesté catholique ne me doit rien. Ce que j’ai fait, je l’ai fait par ordre du roi mon maître, et non pour servir l’Espagne. Quelque motif que je puisse avoir de craindre le pouvoir de mes ennemis, je me confie dans l’innocence de ma cause et dans la justice de mon roi. Je ne puis me croire dans aucun danger ; mais, dût-il m’en coûter la tête en arrivant à Londres, j’irai me mettre aux pieds et à la merci de sa majesté. Plutôt mourir sur un échafaud que d’être duc de l’Infantado en Espagne ! »

On ajoute qu’indépendamment de cette démarche solennelle, Olivarez, informé que Bristol, loin de s’enrichir dans son ambassade, y avait dépensé une grande partie de sa propre fortune, lui offrit, au moment de son départ, une somme considérable, le pressant de l’accepter, car personne ne le saurait. « Pardon, reprit Bristol, il y aura quelqu’un qui le saura et qui le dira au roi d’Angleterre : c’est le comte de Bristol. »

Dès qu’ils apprirent que lord Bristol était rappelé, Philippe IV et son conseil regardèrent le mariage de l’infante comme abandonné, et, sans la déclarer formellement, ils manifestèrent leur conviction par leurs actes. Soit accident, soit chagrin, l’infante était souffrante