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pouvoir maintenir qu’il se trouve au fond de la plupart des questions relatives à l’acclimatation moins d’utilité pratique et d’efforts franchement agricoles que de curiosité scientifique ou d’élégante distraction. Sauf le ver à soie, et le dindon, qui date pour nous du XVIe siècle, tous les animaux dont nos cultivateurs s’occupent aujourd’hui peuplaient déjà nos campagnes dès la plus haute antiquité. Quelques nouveaux esclaves viendront peut-être augmenter le nombre des bêtes qui habitent nos fermes; mais il ne faut pas nous faire à ce sujet trop d’illusions. M. Alphonse de Candolle a eu raison d’écrire dans sa Géographie botanique : « Un végétal ou un animal se naturalise d’emblée dans un pays qui lui est convenable; il meurt dans celui qui lui est impropre, il ne s’y acclimate pas. » Cette difficulté de l’acclimatation proprement dite n’est cependant pas le motif principal de nos doutes. Une foule d’hommes zélés se chargeront toujours volontiers des risques de l’entreprise, et chaque fois que la solution sera possible, elle sera obtenue. Ce que nous n’admettons pas, c’est que la pratique agricole soit fort intéressée à l’adoption des animaux de toute taille et de toute forme qu’on ne cesse de lui proposer.

Ainsi, supposant sans doute que nos bêtes de travail étaient réellement défectueuses ou insuffisantes, on s’est préoccupé avec ardeur des troupeaux d’hémiones que nourrissent l’Himalaya, la Mongolie et l’Hindoustan ; l’on a presque envié à l’Afrique méridionale ses élégans solipèdes, le zèbre, le dauw et le couagga. Ces sauvages animaux ont été quelquefois attelés, nous le savons; mais nous savons aussi que les hommes qui leur donnent la chasse pour en manger la chair et en utiliser la peau continuent à leur préférer pour le service domestique nos vieux auxiliaires, l’âne, le cheval et le mulet. Sont-ce leurs dangereux caprices qui font négliger par les populations près desquelles ils vivent l’hémione, le zèbre, le dauw et le couagga? Ou bien leur délaissement continu serait-il sans cause? Cette seconde hypothèse ne paraît pas probable; elle l’est d’autant moins que les essais que l’on conseille ont été faits de temps à autre sans avoir pu jamais encore modifier les préférences et les habitudes d’aucun peuple. Changer pour changer est acte de fantaisie. Il est donc fort douteux que nos éleveurs consentent à se lancer dans l’inconnu d’une domestication difficile, quand ils possèdent déjà pour le même usage des animaux de valeur égale, On a aussi parlé, — de quoi n’a-t-on pas parlé? — du chameau et du dromadaire pour nos provinces méridionales. Il existe en effet quelques chameaux en Toscane; mais ils s’y multiplient peu, et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire reconnaissait lui-même combien sont restreintes les limites d’emploi de ces vaisseaux du désert. A en croire certaines