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la Gloire pour la déprécier, il n’est pas de sujet sur lequel ils soient revenus plus fréquemment que le peu de hauteur comparative du seuillet de ses sabords au-dessus de l’eau. Le chiffre s’en est trouvé réduit, avec chargement complet, à 1m88 ; mais d’abord, lorsqu’il fait un temps par lequel il faudrait fermer des sabords aussi élevés au-dessus des flots et par conséquent renoncer à se servir de ses canons, quel est le navire qui pourrait s’en servir utilement ? Ensuite ne suffit-il pas de quelques heures de chauffe pour faire émerger un navire à vapeur de 900 chevaux de force ?

Après la puissance de la machine, l’autre procédé principal auquel ont eu recours les constructeurs anglais pour faire un bâtiment très rapide, ç’a été de le faire très étroit. Tandis que dans la Gloire le rapport de la largeur à la longueur est de plus du quart, il est moins que du sixième sur le Warrior. Le procédé n’est pas nouveau, mais on sait qu’il entraîne aussi pour la stabilité du navire certaines conséquences prévues dans ce vieil adage de nos anciens : grand rouleur, grand marcheur. Les roulis, qui déroutent l’adresse des canonniers, s’annonçant comme devant être très considérables sur le Warrior, deux quilles en fer, de 2 pieds de profondeur chacune, ont été placées latéralement sur la carène de chaque côté du navire et sur toute sa longueur. L’expérience montrera le degré d’efficacité du remède et en fera connaître l’influence sur la facilité d’évolution de la frégate. La Gloire n’a pas de pareils appendices.

Toutefois ce n’est pas là encore ce qu’il y a de plus saillant dans les différences qui caractérisent les deux navires. La plus remarquable, et la chose soit dite sans vouloir la tourner en plaisanterie, c’est que l’un, la Gloire, est complètement cuirassé de bout en bout, tandis que l’autre, le Warrior, ne l’est qu’à demi ou tout au plus aux deux tiers. La frégate française, construite en bois, est revêtue purement et simplement, et de l’avant à l’arrière, d’une cuirasse dont l’épaisseur ne varie que, dans le sens de la hauteur du navire, entre 11 et 12 centimètres, tandis que la coque de la frégate anglaise, construite en fer, membrures et doublage, est recouverte d’une armure en bois de teck qui a, selon les circonstances, 20 ou 24 pouces d’épaisseur, 20 dans les parties où elle est à son tour recouverte par les plaques de la cuirasse, 24 dans celles qui ne sont pas cuirassées. En effet, sur la longueur totale de la frégate, qui est à la flottaison de 380 pieds, il n’y a de chaque bord, et au centre de la frégate, qu’une longueur de 213 pieds qui soit revêtue de plaques de fer. Il y a avant et arrière 167 pieds de longueur à la flottaison, et 207 pieds de tête en tête, qui n’opposent à l’ennemi que des murailles de bois. Des dix-huit pièces que la batterie présente de chaque bord, il n’y en a que treize qui soient protégées par la