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SCÈNE III.
LE GRAND-PRÊTRE, MÉNON.
LE GRAND-PRÊTRE.

Que me veux-tu, Ménon ?

MÉNON.

On absoudra Phidias.

LE GRAND-PRÊTRE.

Je le soupçonne depuis qu’Agoracrite nous est apparu avec un visage triomphant ; mais quoi ! prétendent-ils briser la statue de Minerve, afin que l’or soit pesé ?

MÉNON.

J’ignore ce qu’ils méditent ; ils sont assurés de vaincre.

LE GRAND-PRÊTRE.

Qu’importe, si tu es prêt à m’obéir ?

MÉNON.

Je suis prêt.

LE GRAND-PRÊTRE.

Dès que l’acquittement aura été prononcé, tu t’assiéras en suppliant sur l’autel qui domine le Pnyx.

MÉNON.

Les amis de Phidias me lapideront. Il en coûte peu de tuer un esclave.

LE GRAND-PRÊTRE.

Le peuple te donnera des gardes, et les prytanes nous répondront de toi.

MÉNON.

Tu me le jures ?

LE GRAND-PRÊTRE.

Je le jure. Tu accuseras donc Phidias d’impiété ?

MÉNON.

Je l’accuserai avec joie.

LE GRAND-PRÊTRE.

Tu rappelleras qu’il a souillé la statue de la déesse en y ciselant le portrait de Périclès et son propre portrait ?

MÉNON.

La ville entière l’a vu.

LE GRAND-PRÊTRE.

Oui, mais la loi de Diopithe, qui punit de mort les impies, n’est en vigueur que depuis peu de temps.

MÉNON.

Tes ordres seront exécutés.

LE GRAND-PRÊTRE.

Par Neptune, ton maître est perdu cette fois,

MÉNON.

Le peuple n’osera pas condamner l’artiste qui a paré Athènes de tant de chefs-d’œuvre.