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on peut admettre cependant qu’un aveu sincère de tous à ce sujet ne produirait plus de dîssentimens essentiels. Or personne n’hésitera sérieusement sur ce point qu’une diète réunie le 1er mai 1859, selon nos propositions actuelles, n’aurait pu se séparer sans prendre une résolution définitive, et que cette résolution (si on veut bien se rappeler la disposition générale des esprits à cette époque) aurait été exprimée formellement par suite du vote d’une assemblée de délégués convoqués simultanément. L’Allemagne unie n’aurait pas abandonné une des grandes puissances allemandes, et aurait volontiers consenti à se soumettre au commandement de l’autre. » Voilà qui est clair sans aucun doute, et qui marque une confiance réelle de l’auteur dans l’expédient qu’il propose. Cependant il ajoute : « On fera probablement à nos propositions concernant la représentation destinée à siéger auprès de la diète le reproche de quelque incertitude et d’un manque de précision… » Et plus loin : « Tout ceci n’a d’autre but que de fournir un point de départ… Ces propositions appellent la critique. Elles ne trouveront pas toutefois leur entière réfutation dans la critique seule, mais uniquement dans l’offre d’une solution meilleure reconnue exécutable. » Ces deux derniers passages dont l’un nous autorise, de par l’auteur lui-même, à signaler dans son projet certaines obscurités, dont l’autre demande et provoque une catégorique réponse, donnent à penser. S’il faut tout dire, les propositions de M. de Beust nous paraissent avoir eu pour but principal, présentées directement à la Prusse, de forcer cette puissance à s’expliquer, et elles y ont réussi : mais l’accueil qu’elles ont rencontré auprès des différens gouvernemens de l’Allemagne a été des plus froids. Le Hanovre a tout simplement refusé de s’y adjoindre, la Bavière a répondu par un complet silence. — Quant aux deux grandes puissances allemandes, chacune d’elles a trahi de nouveau, en répondant à M. de Beust, sa constante ambition, et a fourni de la sorte quelques nouveaux traits au tableau du désordre et de la confusion dans lesquels toute l’Allemagne est plongée.

Après quelques mots de compliment sur un plan de réforme « si ingénieux et combiné avec une si rare intelligence des tendances et des désirs si divergens des états confédérés, » la Prusse[1] mentionne l’embarras que suscitera toujours à une réforme complète la présence dans l’union commune de puissances ayant d’importantes possessions en dehors de l’Allemagne. Elle proclame ensuite impraticables tous projets calculés sur un état fédératif comprenant la confédération actuelle dans toute son étendue ; mais il n’en serait

  1. Dépêche de M. le comte de Bernstorf à M. de Savigny, à Dresde, 20 décembre 1861. — Les propositions de M. de Beust, son Mémoire et son Supplément (Denkschrift et Nachtrag), portent les dates du 15 octobre, du 20 et du 30 novembre.