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jusqu’à présent inhabile à corriger, en ce qui touche la puissance maritime, ses imperfections naturelles. On en peut dire autant des états du nord de l’Allemagne, dont les côtes sont inhospitalières et nécessiteront de grands travaux. Il faudra de longs et coûteux efforts pour rendre aisément praticables, sur les côtes de la Mer du Nord, le port de Brème (Bremerhafen) à l’embouchure de la Geeste dans le Weser, bien qu’on y voie dès aujourd’hui de grands bassins pour les vapeurs transatlantiques et les navires d’émigrans, — Blexem dans l’Oldenbourg, — Cuxhaven à l’embouchure de l’Elbe, etc. La Prusse a bien essayé de fonder sur ces côtes un grand port ; enfermée tristement dans la Baltique, elle s’est souvenue qu’elle avait possédé depuis 1744 jusqu’à Tilsitt la Frise orientale, avec Emden, belle rade sur le Dollart, aujourd’hui au Hanovre, et le traité du 23 juillet 1853 avec le gouvernement d’Oldenbourg lui a conféré le droit de construire à l’embouchure de la Jahde un port militaire[1]. C’est un point dont Napoléon Ier avait compris l’importance : depuis 1853, la Prusse y a fait d’importans travaux ; mais on assure qu’ils seront interminables, et que le nouveau port, malgré les espérances contraires, continue à s’ensabler chaque jour. D’énormes difficultés se présenteront aussi quand on voudra mettre en état les ports de la Baltique, Lübeck, Travemünde, Swinemünde et Oxhöft près de Dantzig. Sur les côtes de la Mer du Nord, on trouve un sol qui s’enfonce et ne donne point de prise à l’ancrage ; sur celles de la Baltique au contraire, le sol reste trop élevé et n’offre point assez de profondeur. Le gouvernement prussien a d’ailleurs fait de vains efforts pour approprier les côtes de l’île de Rügen et Dantzig à l’établissement de chantiers et de ports militaires. Justement préoccupé des progrès que la Prusse aurait pu faire comme puissance maritime, M. Harkort ne se fait pas faute de blâmer l’administration du royaume et de la taxer d’incapacité réelle : l’instruction est presque nulle à son gré, les inventions nouvelles arbitrairement négligées, l’administration embarrassée par une bureaucratie coûteuse et peu intelligente qui écarte les hommes spéciaux et ajourne les réformes.

La marine de guerre prussienne compte 77 bâtimens avec 324 canons : sur ce nombre, 26 vapeurs avec 121 canons et 9 bâtimens à voiles avec 125 canons[2] ; mais M. Frédéric Harkort nous apprend

  1. Voyez le texte du traité, avec une carte et de curieux commentaires, dans la brochure sans nom d’auteur : la Prusse sur la mer du Nord, question du jour. Oldenbourg, 1854 (en allemand).
  2. Ces chiffres, qui diffèrent de ceux de l’Almanach de Gotha, ont été donnés récemment par le journal allemand le Publiciste, et répétés par l’auteur de l’écrit que nous avons cité : la Flotte allemande, rêve de la Prusse, etc. — La flottille prussienne compte en ce moment 32 bâtimens de guerre achevés et 8 en construction. Dana ce nombre, il n’y a que 2 frégates, de quarante-cinq canons chacune, la Gefion et la Téthys. La première a été prise sur les Danois à la journée d’Eckernfürde ; la seconde a été échangée contre les deux vapeurs en fer la Salamandre et le Nix pendant la guerre de Grimée par les Anglais, qui manquaient de petits bâtimens. Ces frégates sont à voiles, et par conséquent, malgré leurs qualités et leur élégance, elles ne répondent qu’imparfaitement aujourd’hui à leur but tout militaire. Il y a encore 4 corvettes, dont une en construction, 1 brick (on en a perdu un dans les eaux de la Mer du Sud), 2 transports et 3 avisos à vapeur, 19 chaloupes canonnières, chacune avec trois bouches à feu, 4 pareilles en construction, 40 yoles à rames, et plusieurs marine-boardings.