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ait la faculté « de faire remplacer les fonds sur le chapitre auquel ils auront été pris. »

La première condition devait amener inévitablement et amènera en effet, comme le rapport l’annonce, un budget présenté avec de notables augmentations, afin que ce budget ait quelque chance de se régler en équilibre. La seconde condition fait craindre que la faculté de virement ne remplace les crédits extraordinaires, puisque ce n’est pas seulement de l’excédant des chapitres qu’on disposera par virement, mais bien du disponible, c’est-à-dire des fonds qui ne seront pas encore employés, mais qui seront nécessaires plus tard, et qu’il faudra bien remplacer. Il est très vrai qu’à la différence des crédits extraordinaires, qui sont tout à fait illimités, les viremens devraient être limités à la somme totale du budget voté pour chaque ministère ; mais la faculté de faire remplacer les fonds sur le chapitre auquel ils auront été pris ne fera-t-elle pas dépasser le but ? Si les fonds pris sur un chapitre au moyen d’un virement pour faire face à des besoins imprévus sont indispensables aux services réguliers, s’il faut absolument les remplacer sous peine de désorganiser ces services, le corps législatif pourra-t-il refuser son consentement ? Un virement opéré dans ces conditions sera-t-il autre chose qu’un crédit extraordinaire déguisé, et la prérogative parlementaire sera-t-elle plus libre que dans le régime antérieur au sénatus-consulte ? Si, en présence de circonstances tout à fait exceptionnelles, la nécessité d’allocations extraordinaires se fait sentir au-delà de ce que pourra fournir l’exercice du droit de virement dans les limites du budget voté, que fera-t-on ? Faudra-t-il absolument convoquer le corps législatif, ou passera-t-on outre, sauf à demander ensuite un bill d’indemnité ? Le premier moyen entraîne des lenteurs qui le rendront parfois inapplicable, le second est fort dangereux ; il ouvre la porte aux exceptions. Une fois le premier pas fait, où s’arrêtera-t-on ? L’obligation de demander et d’obtenir en certains cas un bill d’indemnité n’avait déjà pas grande valeur quand, elle pesait sur des ministres responsables ; que sera-t-elle vis-à-vis de ministres placés dans d’autres conditions ?

Un autre motif encore peut donner aux viremens une dangereuse élasticité. Le pouvoir ayant le droit de modifier par des décrets la répartition des chapitres dans les sections votées, de faire passer des services publics d’une section à l’autre et même d’un département ministériel à un autre département, le droit de virement reste sans limites autres que celles du budget même. Ceux qui ne trouvent dans cette division par sections qu’une garantie fort incomplète de la spécialité penseront également que le nombre et la nature fort diverse des chapitres compris dans la même section donnent