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SIX MILLE LIEUES
À TOUTE VAPEUR

III.
Washington, 4 août 1861.

Je t’ai quittée hier, ma chère mère, au beau milieu d’un dîner chez le président des États-Unis[1]. J’ai fini la journée chez le ministre de Russie. Je ne te dirai rien encore des choses que j’ai entendu apprécier et débattre. Le temps me manque, et je veux d’ailleurs me livrer à mes impressions personnelles avec toi. Pour aujourd’hui, je suis encore en plein feu d’artifice de mouvement et de nouveauté.

Nous visitons les lignes de défense de Washington, les redoutes, ouvrages en terre gardés par des canons dont quelques-uns sont de grosseur démesurée et par de grands abatis de bois. Je cherche en vain les citadelles-revolvers à pivot (tirant soixante coups de canon à la minute), dont on m’avait parlé à New-York. Ce n’était qu’un de ces projets vantés et prônés par la presse américaine, comme s’ils étaient déjà mis à exécution depuis longtemps.

Nous traversons le Potomac sur le Long-Bridge, pont de bois d’un kilomètre et demi, défendu par des ouvrages avancés dont Ragon tâche de m’apprendre les noms techniques ; mais j’ai déjà tout brouillé dans ma cervelle. Nous entrons dans le camp du général Mac-Dowell. Une vingtaine de soldats puritains et leurs femmes,

  1. Voyez la Revue du 1er février.