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une plaquette de cent pages, c’est-à-dire qu’elle à perdu les cinq sixièmes de sa dimension, et par suite, en se plaçant au point de vue de l’auteur, les cinq sixièmes de ses agrémens, car les choses que le spirituel éditeur a retranchées sont précisément celles qui, selon toute probabilité, plaisaient le plus au bon évêque de Belley. Ce sont les jeux de mots, les digressions, les épisodes, les dissertations et les réflexions morales, le brillant étalage des comparaisons et des métaphores les plus risquées, empruntées tour à tour à la mythologie, à la prétendue histoire naturelle qui n’était pas encore discréditée sous Louis XIII, à l’astrologie et à l’alchimie. M. Rigault nous avertit d’ailleurs très loyalement qu’il a beaucoup retranché, sans rien ajouter, et il a peut-être raison quand il dit : « On n’eût pas lu le livre si nous l’avions laissé tel qu’il est. » Mais si ce large système d’abréviation et d’expurgation a l’avantage de rendre plus facile et plus rapide la connaissance de Palombe aux lecteurs des chemins de fer, il ne remplit pas les vues de ceux qui tiennent à se faire une idée exacte dès qualités et des défauts d’un auteur.

L’éditeur de cet abrégé de Palombe y a joint, il est vrai, une étude intéressante sur la vie et les ouvrages de l’évêque de Belley, qui atteint mieux le but que nous venons d’indiquer ; mais cette étude nous semble un peu trop empreinte de ce sentiment, d’ailleurs si naturel, dont nous parlions tout à l’heure, et qui porte involontairement un écrivain à surfaire plus ou moins l’auteur oublié qu’il exhume et remet en lumière. En la lisant, on serait tenté de considérer l’évêque de Belley comme un exemple de l’incertitude des réputations et une victime de l’injustice de la postérité. Il n’en est rien pourtant, et c’est très justement que les cent quatre-vingt-six ouvrages de l’évêque de Belley, romans, sermons, dissertations théologiques et morales, ont été condamnés à l’oubli ; mais quoique ses ouvrages n’aient pas mérité de lui survivre, on ne peut contester que comme romancier ce digne évêque n’ait droit à une petite place dans l’histoire du roman, non pas tant, comme on l’a dit, pour avoir inventé un genre plus ou moins nouveau, le roman édifiant, genre hybride, qui n’a jamais rien produit de bon, que pour avoir, en travaillant dans ce genre faux, mis les esprits sur la voie d’un genre plus vrai et plus fécond.

Si les qualités du caractère et du cœur suffisaient chez un écrivain pour compenser les défauts de l’esprit y l’évêque de Belley aurait droit à une plus large place dans l’histoire de notre littérature, car il était le meilleur des hommes et bien digne par ses vertus de la tendre amitié qu’éprouvait pour lui saint François de Sales. Partageant sa vie entre des écrits de toute sorte, composés tous dans une intention religieuse ou morale, et qui coulaient de sa