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celle du lithium : ce métal donne naissance à deux raies très tranchées, l’une d’un jaune très faible, l’autre rouge et brillante. Cette réaction est d’une délicatesse presque aussi grande que celle même de la soude. MM. Bunsen et Kirchhoff ont vu paraître la raie rouge après avoir fait détoner loin de leur appareil 9 milligrammes de carbonate de lithine ; ils calculent que leur œil a pu saisir ainsi la présence de 9 millionièmes de carbonate de lithine dans l’air. Ils ont découvert la lithine en une foule de substances, où l’on n’en soupçonnait pas la présence, dans l’eau de mer, dans les fucus charriés par le gulfstream sur les côtes d’Ecosse, dans des granites, des eaux minérales, dans les cendres des bois croissant sur les terrains granitiques, dans les cendres de tabac, dans celles des feuilles et sarmens de vigne, dans les cendres de céréales croissant sur un terrain granitique, etc. On reconnaît le potassium à deux raies, l’une située dans le rouge, l’autre dans le violet aux deux extrémités du spectre, et à une troisième intermédiaire beaucoup plus faible, L’éloignement des deux raies principales, placées aux deux bouts du spectre visible, rend cette réaction peu sensible : l’œil ne peut distinguer qu’un millième environ de milligramme de chlorate de potassé dans une flamme.

Les métaux alcalins ont des spectres plus simples que les métaux qui entrent dans la composition des terres alcalines : le strontium a huit raies remarquables, six rouges, une orange et une bleue, et l’œil peut, à l’aide du spectre, percevoir jusqu’à 6 millionièmes de milligramme de ce métal dans l’air. Le calcium, métal qui se combine à l’oxygène pour former la chaux, donne trois raies, verte, rouge et bleue, qui n’apparaissent que dans les flammes intenses. le baryum, métal de la baryte, se distingue par deux raies vertes. Le fer, qui donne des raies très nombreuses, le manganèse, le zinc, le cuivre, l’or, tous les métaux en un mot, ont été essayés par MM. Bunsen et Kirchhoff, et ils ont soigneusement étudié les raies que chacun d’eux fait apparaître dans le spectre. Ces zones brillantes restent invariables, quelle que soit la composition du sel où le métal se trouve engagé ; elles sont encore les mêmes quand le métal se trouve volatilisé directement dans la flamme, lorsqu’on fait passer un fort courant électrique entre deux pointes métalliques placées à quelque distance l’une de l’autre. Les propriétés optiques que nous venons de signaler sont donc les attributs des corps simples eux-mêmes, et elles peuvent s’observer toutes les fois que ceux-ci sont portés à une haute température.

Cette curieuse étude des lignes brillantes des spectres artificiels se rattache par le lien le plus intime à l’explication des raies obscures du sceptre solaire. Ce lien n’est pourtant pas facile à saisir