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entend la quantité de cet engrais qui, pour une égale superficie de terrain, 1 hectare par exemple, équivaudrait, sous le même rapport des proportions de l’azote ou des phosphates, à la quantité moyenne du fumier de ferme employé annuellement[1].

Les expériences ou essais de laboratoire d’après lesquels ces évaluations numériques peuvent être obtenues ont inspiré peu à peu une telle confiance aux agronomes que, dans tous les pays d’Europe où la culture est avancée, on y a continuellement recours. En Angleterre, en Écosse et en Irlande, des laboratoires spéciaux, auxquels sont attachés des chimistes habiles, sont établis dans les centres principaux des grandes cultures, aussi bien pour analyser le sol que pour apprécier les engrais minéraux, organiques et mixtes, naturels et artificiels, pour déceler enfin les fraudes relatives aux engrais commerciaux de différentes origines.

Il est bien peu de fraudes commerciales dont les conséquences soient aussi graves que celles qui s’exercent sur les engrais. Ce n’est pas seulement la perte de l’argent dépensé pour une marchandise d’une valeur incertaine qui compromet les intérêts du cultivateur : celui-ci se trouve expose en outre à des chances bien autrement désastreuses. Comptant sur les favorables influences d’un engrais bien défini, dont il a pu reconnaître antérieurement par sa propre expérience les propriétés fécondantes, il verra tous ses calculs trompés, s’il a répandu sur sa terre un engrais mélangé de matières inertes, incapable de fournir à la végétation les élémens nécessaires à son développement. La récolte s’en trouvera d’autant amoindrie. À la dépense d’acquisition de l’engrais falsifié s’ajouteront les frais généraux de culture que la moisson ne saurait couvrir.

Il est une autre sorte de fraude plus audacieuse encore, née en Allemagne, et qui durant plusieurs années a pesé sur notre agriculture. Cette fraude faisait en France des progrès effrayans, lorsque dans sa session de 1851 le congrès central des agriculteurs, par un vote solennel, frappa d’une énergique réprobation ce commerce scandaleux. Il s’agissait de ces engrais factices, dits concentrés, « mélanges ridicules (je cite le rapport adopté par le congrès central), dont les matières inertes ou sans valeur, comme l’eau et la craie, forment les trois quarts. Tous les marchands d’engrais concentrés, brevetés d’invention, promettent qu’en supprimant la fumure et en y substituant quelques litres de leur engrais, on doublera

  1. On trouvera ces tableaux des équivalens dressés par M. Boussingault et par nous-même pour cent trente engrais divers, — débris animaux, excrémens et litières, débris végétaux, fanes, feuilles et tiges, tourteaux de graines oléagineuses, engrais artificiels, terres et terreaux, etc., dans notre Précis de Chimie industrielle, dans l’Économie rurale de H. Boussingault, et le Bon Fermier, par M. Barral.