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au teint olivâtre, au front busqué, aux cheveux plus noirs que le plumage du corbeau, les Arabes aux grands yeux fendus, au teint plombé, à la barbe rare, tandis que leurs lèvres découvrent de magnifiques dents blanches. Or ces trois types sont encore faciles à reconnaître parmi les hommes et parmi les femmes ; ils offrent plus de dureté, mais plus de noblesse, et prêtent par conséquent à ce dessin plus ferme qui fait le style. Murillo les écarte, il est attiré par un type plus commun, adouci, un peu effacé, mais charmant, où il se reconnaît lui-même, type que j’appellerai andalous et national par excellence, puisqu’il ne se rapporte à aucune race définie avec certitude, type vandale peut-être, si nous savions ce qu’étaient les Vandales, car il est singulier que ce soient eux qui aient laissé leur nom à l’Andalousie. Aujourd’hui on rencontre à chaque pas dans les rues de Séville des figures qui semblent détachées des cadres de Murillo. Ses Vierges sont à peine idéalisées. les yeux sont noirs, moelleux, avec des paupières étoffées, de longs cils, des ombres portées, des teintes olivâtres qui les font ressortir. Les sourcils sont fins ; mais ce n’est pas le divin trait de pinceau des madones de Raphaël. Le front andalous est la partie du visage la plus originale : accidenté, délicat, plein de saillies qui font jouer la lumière, de modelés favorables à la peinture, des ombres légères se promènent sur les surfaces. Les cheveux, bien plantés, forment un encadrement piquant. Les tempes présentent un creux harmonieux plus foncé, qui prête à l’effet et repousse en avant le reste du front. Murillo a copié si exactement la nature qu’il ne l’a même pas corrigée. Le visage andalous a ce défaut que le nez est en général mal fait, la bouche vive, mais sans caractère, le menton peu régulier. Un peintre de style aurait complété ce type ; les habitans d’Urbin ressemblent peu aux créations de Raphaël ; les Vénitiennes ont rarement l’ampleur de formes et les cheveux dorés que leur prêtent les peintres vénitiens, et ce n’est ni aux Florentines ni aux Milanaises que Léonard de Vinci a emprunté ses figures creuses et un peu byzantines. Chaque artiste, parmi ceux qui sont sensibles à la grâce féminine, s’est composé son idéal. Murillo a reproduit le type national à son aise, par plaisir, avec une incroyable facilité, mais sans y rien ajouter.

Les vieilles femmes me fournissent un argument de plus. En Andalousie, le passage est subit de la jeunesse à la maturité. Les races fortes, grandioses, comme dans le nord de l’Italie jusqu’à Rome, les visages que soutient une construction noble résistent au climat, se transforment et acquièrent une beauté nouvelle. À trente ans, à quarante ans, les femmes y règnent encore dans leur plénitude, de même que la fleur se change en beau fruit. À Séville, la race est petite, grasse, mais sans ampleur, les traits n’ont pas d’architecture,