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qu’on n’avait plus revu depuis la dernière journée de Florence en 1527. Dans cette proclamation, on parlait d’abord de Napoléon avec complaisance, mais sans aucune hostilité pour les Bourbons ; puis il y avait des caresses pour les libéraux et en même temps une première voie ouverte au droit divin. Enfin d’ambages en ambages, de circuits en circuits, on arrivait à une conclusion toute semblable à la proclamation de Louis XVIII. Ainsi cette adresse aux Français parlait de Bonaparte pour arriver aux Bourbons, et sur un ton guerrier « des nécessités d’une imposante attitude militaire » pour conclure à la reddition et soumission sans coup férir.

Avant de disposer de l’assemblée, Fouché s’était emparé de Davoust. L’un et l’autre, quoique sûrs du concours de tous les pouvoirs, redoutaient encore l’impression publique. D’abord ils allèrent à leur but avec une extrême circonspection au milieu d’ordres, de décisions contraires, qui se détruisaient l’une l’autre ; puis, trouvant partout des complices, la hardiesse leur vint. Dès le 26 juin, Davoust était en communication secrète avec le parti des Bourbons ; le 27, en plein conseil, il avait déclaré que la France était perdue, si elle ne se hâtait de traiter avec Louis XVIII ; le 29, il fut même surpris par une députation des chambres en conférence avec l’affidé de ce parti, M. de Vitrolles[1]. Cela pourtant n’ouvrit les yeux à personne. Le lendemain parut une fière déclaration contre les Bourbons ; elle était signée de Davoust. La complaisance ou l’illusion devait tout couvrir jusqu’à la dernière heure. À l’approche du dénoûment que l’on aperçoit déjà, M. le colonel Charras fait éclater des paroles indignées, ardentes, qui couronnent éloquemment son ouvrage. Pour moi, accoutumé depuis trop longtemps à réprimer mes plus justes indignations et à n’en laisser échapper que ce que je ne puis étouffer, je ferai effort pour terminer ce récit comme je l’ai commencé.


XI. — INVESTISSEMENT DE PARIS. — AFFAIRE DE VERSAILLES.

Des négociations fictives jointes à la demande réitérée de suspendre les hostilités ne pouvaient avoir d’autre résultat que d’accroître outre mesure la confiance des ennemis. Elle alla bientôt jusqu’à la témérité. Certains, par les intelligences qu’ils avaient avec Fouché, qu’il suffirait de frapper un grand coup sur les esprits, ils formèrent une résolution dont ils ne se seraient pas avisés l’année précédente, même avec des forces supérieures. Ce fut encore Blücher qui se chargea de l’exécuter.

  1. Mémoires de M. de Vitrolles, cités par M. Duvergier de Hauranne, Histoire parlementaire.